Libre-échange: Ottawa durcit le ton face au Mexique

OTTAWA — Le Canada durcit le ton face au Mexique alors que les premiers ministres de l’Ontario et de l’Alberta appellent à envisager d’exclure le pays des pourparlers visant à renouveler l’accord commercial nord-américain en 2026.

«Ça appartient au gouvernement mexicain de réfléchir à quelle position ils vont prendre dans les moments à venir», a déclaré, mardi matin, le premier ministre Justin Trudeau lors d’une conférence de presse à Rio de Janeiro, dans le cadre du sommet du G20.

Le Canada fait du commerce international une priorité alors que le président élu des États-Unis, Donald Trump, a menacé de mettre en place de nouveaux tarifs douaniers et que les importants investissements chinois au Mexique sont vus comme une manière détournée pour que les produits chinois pénètrent le marché nord-américain.

Le Canada et les États-Unis ont imposé des tarifs douaniers élevés sur des produits fabriqués en Chine, notamment les véhicules électriques et les produits de l’acier et de l’aluminium. Ils accusent tous deux la Chine de surproduction et de dumping.

Au Brésil, M. Trudeau a rencontré la présidente mexicaine Claudia Sheinbaum, leur première rencontre en personne depuis son investiture en octobre.

Immédiatement avant cette réunion, M. Trudeau avait publiquement fait part de ses inquiétudes quant au niveau des investissements chinois au Mexique.

M. Trudeau a indiqué aux journalistes mardi qu’il a «directement souligné» cette «préoccupation» avec Mme Sheinbaum lors de leur entretien, ajoutant que le Canada souhaitait avoir une relation commerciale forte qui profite à tous les citoyens d’Amérique du Nord.

«Ils ont fait certains choix et ils sont en train de regarder comment rassurer leurs partenaires qu’il n’y a pas de défis par rapport à ça», a-t-il ajouté.

L’importance de règles communes

À Ottawa, la vice-première ministre, Chrystia Freeland, a n’a pas indiqué explicitement si le Canada envisage de conclure un accord de libre-échange uniquement avec les États-Unis, lorsque questionnée en conférence de presse.

Mme Freeland a insisté sur l’importance dans une zone de libre-échange que les pays qui s’y trouvent aient «des règles en commun» quant à ce qui y transitera, d’autant plus que Pékin a «une politique domestique (…) ciblée vers notre industrie manufacturière, contre nos travailleurs».

C’est pour cela, a-t-elle expliqué, que le Canada a pris des mesures «fortes» contre la Chine et qu’il est aligné «plus que jamais» sur les États-Unis.

«Le Mexique n’a pas pris les mêmes mesures concernant les investissements directs de la Chine au Mexique et aussi concernant le commerce entre le Mexique et la Chine», a-t-elle bien pris soin de noter au passage.

Le ministre de l’Industrie, François-Philippe Champagne, n’y est pas plus allé d’un grand plaidoyer en faveur du Mexique. Au contraire, il l’a présenté comme une relation d’ordre secondaire pour les États-Unis à son arrivée à la troisième réunion du comité du cabinet chargé des relations canado-américaines.

«Dans l’espace économique nord-américain, quand vous regardez les partenaires essentiels, les grands partenaires dans les chaînes d’approvisionnement stratégiques, dans la croissance, dans la sécurité, c’est le Canada et les États-Unis», a-t-il dit.

Après avoir plaidé la force de la «relation stratégique» qu’entretiennent le Canada et les États-Unis en matière de sécurité du continent nord-américain, de la résilience des chaînes d’approvisionnement et de la croissance économique, il a ajouté que cela est «très différent de ce qui se passe au sud de la frontière des États-Unis».

L’ambassadrice du Canada aux États-Unis, Kirsten Hillman, qui était présente à la rencontre, a expliqué qu’Ottawa se doit être «prêt» à traiter avec le voisin américain «qui est si essentiel à notre sécurité, à notre prospérité et à tout ce que nous faisons».

Au Parti conservateur du Canada, le leader adjoint à la Chambre, Luc Berthold, a refusé de commenter le dossier lors d’une conférence de presse, préférant se concentrer sur les raisons de la paralysie des Communes que sa formation fait perdurer depuis plus d’un mois.

Pour le porte-parole du Bloc québécois en matière de commerce international, Simon-Pierre Savard-Tremblay, le Canada «n’en est pas là» lorsqu’il est question de larguer le Mexique lors d’une prochaine négociation.

«Cette fermeté-là, cette idée de mettre nos culottes, ça fait longtemps qu’on le demande et soudainement c’est parce qu’il y a un nouveau président qui s’en vient que là le premier ministre se réveille», a-t-il ajouté en entrevue avec La Presse Canadienne.

Sans commenter directement, le chef adjoint du Nouveau Parti démocratique, Alexandre Boulerice, a expliqué que son parti réclame que les libéraux travaillent à maintenir «de bons emplois (…) syndiqués» et qu’il oeuvre à maintenir la gestion de l’offre.

– Avec des informations de Dylan Robertson, à Rio de Janeiro