Les gouvernements minoritaires et leurs enjeux majeurs

OTTAWA — Le gouvernement minoritaire du premier ministre Justin Trudeau devrait faire face à son premier test sérieux, cette semaine, depuis que le Nouveau Parti démocratique (NPD) s’est retiré de son entente de soutien avec les libéraux.

Le chef conservateur Pierre Poilievre a présenté une motion déclarant que la Chambre des communes n’a pas confiance envers le premier ministre ou le gouvernement. Les députés débattront de la motion mardi et voteront mercredi.

Les néo-démocrates et le Bloc québécois ont déclaré qu’ils avaient l’intention de voter contre la motion, évitant ainsi la tenue d’élections générales.

Voici une présentation des gouvernements minoritaires et de leurs enjeux:

– Qu’est-ce qu’un gouvernement minoritaire?

Un gouvernement minoritaire n’a pas la majorité des députés de la Chambre des communes, ce qui signifie qu’il dépend du soutien des députés des autres partis pour faire adopter des lois, y compris des mesures budgétaires.

– Les gouvernements minoritaires sont-ils rares?

Ils sont en fait assez courants. Treize gouvernements minoritaires ont émergé des élections fédérales. Deux autres sont le résultat de gouvernements remplacés entre deux élections. (Cependant, le Parlement ne s’est pas réuni pendant l’un des deux gouvernements, celui d’Alexander Mackenzie, qui a rapidement obtenu la majorité.)

Justin Trudeau a dirigé deux gouvernements minoritaires, tout comme son prédécesseur, Stephen Harper.

– Comment fonctionnent-ils?

Il n’y a jamais eu de gouvernement de coalition issu d’un scénario minoritaire au niveau fédéral.

Cependant, jusqu’à récemment, les libéraux et le NPD avaient conclu une entente de soutien et de confiance qui permettait au gouvernement minoritaire de M. Trudeau de rester au pouvoir et de garantir des progrès sur certaines politiques mutuellement acceptables.

Entre 1972 et 1974, le NPD avait conclu une entente informelle avec les libéraux qui a permis au gouvernement de Pierre Eliott Trudeau, le père de Justin, de rester en place.

Mais il est plus courant de voir des gouvernements minoritaires obtenir du soutien dans des votes clés, de façon ponctuelle.

Les gouvernements minoritaires ont aussi tendance à agir comme s’ils étaient majoritaires, notamment les gouvernements progressistes-conservateurs de John Diefenbaker dans les années 1950 et 1960 et de Joe Clark en 1979, ainsi que la première période du gouvernement libéral de Lester B. Pearson dans les années 1960.

– Les gouvernements minoritaires durent-ils aussi longtemps que les gouvernements majoritaires?

En général, non. Un gouvernement minoritaire peut aller jusqu’au bout d’un mandat traditionnel de quatre ans. Cependant, il est souvent défait lors d’un vote important à la Chambre ou se retire lui-même dans le but d’obtenir un mandat plus fort aux urnes.

La durée des gouvernements minoritaires varie considérablement, du bref mandat des conservateurs d’Arthur Meighen en 1926 au mandat de plus de trois ans et sept mois des libéraux de William Lyon Mackenzie King de 1921 à 1925.

Qu’est-ce qui met fin aux gouvernements minoritaires?

La pratique et la tradition parlementaires veulent que si le gouvernement est défait à la Chambre sur une question de confiance, les électeurs se rendent aux urnes.

«Ce qui constitue une question de confiance envers le gouvernement varie selon les circonstances», est-il écrit dans l’ouvrage de référence «La procédure et les usages de la Chambre des communes».

«La confiance n’est pas une question de procédure parlementaire, ni quelque chose sur laquelle le président peut être appelé à se prononcer.»

– La défaite d’un vote en Chambre signifie-t-elle la fin d’un gouvernement minoritaire?

Non. Les gouvernements minoritaires de M. Pearson et de Pierre Eliott Trudeau ont chacun perdu un certain nombre de votes à la Chambre sans démissionner.

Une motion de confiance peut être formulée clairement comme celle que les conservateurs ont proposée cette semaine. Il peut s’agir d’une motion sur un enjeu que le gouvernement déclare être une question de confiance, ou elle peut être liée à la politique budgétaire du gouvernement ou à la réponse au discours du Trône.

Même dans ces cas, M. Pearson avait perdu un vote sur une question budgétaire, mais il avait survécu. Il avait cherché à obtenir un vote de confiance clair, ce qu’il est parvenu à faire.

– Y a-t-il eu une défaite particulièrement mémorable pour un gouvernement minoritaire?

Des papiers ont été jetés en l’air à la Chambre après la chute du gouvernement Clark en 1979, lors d’un vote sur son budget qui a été défait par 139 votes contre 133.

«Il y a seulement six mois, les Canadiens ont voté pour changer le gouvernement du Canada parce qu’ils voulaient changer la direction de ce pays», avait soutenu le premier ministre Clark lors d’une conférence de presse après le vote.

«Par leur action ce soir, les partis d’opposition disent que les Canadiens ont eu tort de prendre cette décision.»

Cependant, la défaite a ouvert la voie au retour au pouvoir des libéraux dirigés par Pierre Eliott Trudeau au début des années 1980, avec un mandat majoritaire.