Les Poêles d’antan: une expertise en voie d’extinction

SAINT-WENCESLAS. René Fréchette est riche d’une connaissance et d’une expertise qu’on ne retrouve nulle part ailleurs: celles de la restauration de cuisinières antiques fabriquées au Québec entre 1850 et 1980. L’entreprise de M. Fréchette, Les Poêles d’antan, est située à Saint-Wenceslas et est l’une des deux seules de la province à avoir cette vocation.

Le projet d’entreprise de René Fréchette est arrivé un peu par hasard sur sa route professionnelle. Alors que M. Fréchette travaillait pour une entreprise de plomberie et de chauffage, cette dernière prenait également des contrats de restauration de cuisinières antiques.

«À l’automne et à l’hiver, lors de la saison morte, mes employeurs m’avaient offert de travailler sur la restauration de ces cuisinières plutôt que d’être sur le chômage. Cependant, quand l’entreprise a changé de propriétaires dans les années 90, ceux-ci ne souhaitaient pas poursuivre dans la restauration de poêles, raconte M. Fréchette. J’ai donc tout racheté les stocks et j’ai commencé à faire ça les soirs et les fins de semaine dans le garage de la maison. De fil en aiguille, je me suis retrouvé à ne plus avoir le temps d’aller travailler!», poursuit-il en riant.

Depuis 2002, date du lancement officiel des Poêles d’antan, René Fréchette a accumulé de l’expérience, mais également une quantité impressionnante de pièces de cuisinières. «En temps normal, on n’a pas de difficulté à trouver des pièces. Les gens pensent qu’il n’y en a plus beaucoup de ces cuisinières, sauf qu’il y en a « comme ça »!», illustre M. Fréchette d’un geste de la main.

«J’ai un conteneur plein de pièces neuves, ainsi qu’un entrepôt et une grange. Et le garage de la maison, ne vous demandez pas ce qu’on met dedans!, lance M. Fréchette, amusé. Les pièces servent toujours, mais il faut souvent faire un tri. Tant que ça rentre à l’intérieur, ça va, mais quand ça ne rentre plus, il faut faire du ménage! Je ne veux pas avoir une cour à <@Ri>scrap<@$p> non plus.»

Bien que les pièces neuves soient identifiées et numérotées, l’inventaire de pièces usagées se retrouve uniquement dans la mémoire de René Fréchette! Il n’hésite d’ailleurs pas à mettre qui que ce soit au défi de lui pointer n’importe quelle pièce de son inventaire; il pourra identifier son utilité et la marque du poêle à laquelle elle appartient, même si aux yeux de tous néophytes, elles se ressemblent toutes. «Ce que tu vois là, ce n’est que la pointe de l’iceberg», dit-il en pointant une partie de son atelier.

Cette expérience et cette connaissance, elles ne se retrouvent nulle part ailleurs. Est-ce que René Fréchette ne devrait pas les passer à un successeur? «Est-ce qu’il y a quelqu’un qui va vouloir faire des heures comme ça?», lance-t-il. Cette question s’explique par le fait qu’il n’existe aucun cours ou formation pour travailler aux côtés de René Fréchette. Il faut apprendre «sur le tas». «Tout ce que je peux faire, c’est te faire travailler avec moi», ajoute-t-il.

Les «boîtes à feu»

Lorsque René Fréchette s’attaque à un nouveau projet, il ne sait jamais vraiment à quoi s’attendre. Alors que l’extérieur peut être reluisant, cela n’est aucunement un gage de qualité pour l’intérieur de la cuisinière antique! Le temps mis sur une seule cuisinière peut donc grandement varier, soit entre 15 et 200 heures de travail.

René Fréchette restaure des cuisinières antiques avec son entreprise Les Poêles d’antan.

D’ailleurs, les cuisinières n’arrivent pas toujours avec leurs pièces d’origine. «On peut voir toutes sortes de bricolages dans les cuisinières à bois: de la brique, des bouts de tuyau, de la broche pour faire tenir les morceaux», raconte M. Fréchette. Il a déjà également retrouvé de la céramique rapiécée sur du jute, ou encore des revêtements réparés au mastic pour carrosserie, deux réparations hautement inflammables, donc peu recommandées sur des poêles à bois. Comme quoi faire affaire avec un professionnel est nécessaire pour assurer sa sécurité. «Ça reste une boîte à feu, et il faut que le feu reste dedans!»

«Pour les faire accepter par les assureurs, il faut remettre les poêles comme ils étaient à l’origine, ou à peu près, pour ne pas en changer son fonctionnement, précise M. Fréchette. À l’époque, les antiquaires aimaient les acheter et les revendre, mais avec la venue des assurances, ils sont devenus de plus en plus frileux là-dessus. C’est pour ça que j’en ai beaucoup.»

La tâche ne s’est également pas allégée pour René Fréchette dans la dernière année. «Avec la pandémie, les gens qui sont à la maison pensent plus à la restauration de leurs poêles. L’attente est plus longue, car il y a plus de demandes», mentionne M. Fréchette. En ce moment, le Wenceslois a une soixantaine de restaurations à compléter pour l’automne prochain, il ne prend donc plus aucun contrat pour l’instant. «Faire des promesses et ne pas être capable de les réaliser, ce n’est pas bon», dit-il.

À surveiller au Village québécois d’antan, les cuisinières à l’intérieur des maisons du village ont commencé à être restaurées par René Fréchette avant la pandémie. «La suite va aller après la pandémie, et on va avoir d’autres projets ensemble. Des gros projets, on en a tout le temps!», conclut-il.