Julie Pressé: la fée marraine des enfants

FORTIERVILLE. Aurore Gagnon, l’enfant martyre, est devenue l’icône de la violence faite aux enfants au Québec. Son décès, en 1920, a laissé un lourd héritage à la communauté de Fortierville, qui a longtemps été pointée du doigt dans cette histoire de maltraitance, étant accusée de n’avoir rien vu et de n’avoir rien fait. «Ç’a affecté beaucoup de gens», regrette la mairesse Julie Pressé.

Aurore Gagnon avait dix ans lorsqu’elle est décédée à la suite de sévices infligés par sa belle-mère. Le drame avait défrayé les manchettes et ouvert bien des yeux sur la dure réalité des cas de violence familiale.

Son décès a été, en quelque sorte, le point tournant de la justice pour les enfants au Québec: «Plein d’institutions ont été créées suite à ça. De l’éducation a été faite», fait remarquer Julie Pressé. Malgré tout, la violence persiste. «On n’a qu’à penser à la fillette de Granby (décédée elle aussi de maltraitance, il y a deux ans)», soupire la mairesse, elle-même mère de deux jeunes filles d’âge primaire.

C’est en 2019, voyant pointer le centième anniversaire du décès d’Aurore, jumelé à la mise au jour de l’affaire de Granby, que la première magistrate de Fortierville a eu envie de poser un geste significatif pour les enfants victimes de violence. Un geste qui permettrait aussi, peut-être, de mettre un baume sur sa communauté. Elle s’est lancée dans le projet fou de créer une «Charte municipale pour la protection de l’enfant».

Une aventure qui connaîtra son point culminant ce mercredi, 7 avril, jour du lancement officiel de cette fameuse Charte. Un moment attendu pour celle qui y a consacré des dizaines d’heures en compagnie de Maryse Dallaire, d’Espace Muni, et de Maryse Drolet, de la Fédération québécoise des municipalités. «J’avais approché ces deux organisations au tout début de ma démarche et elles ont embarqué dans le projet. On a créé la charte ensemble», souligne Mme Pressé.

Mieux protéger les enfants

Le but de cette charte est, grosso modo, «de donner une entité de plus pour protéger les enfants», explique son initiatrice, qui souhaite que toutes les municipalités du Québec mettent en place «de petites choses» pour «créer un noyau autour de l’enfant» et «prendre soin les uns des autres». L’expression le dit: «Ça prend tout un village pour élever un enfant». Et pour en prendre soin.

«Évidemment, on s’attend à ce que les parents le fassent, à la base. On s’attend à ce que les gens autour s’en soucient également. La DPJ est aussi présente, au besoin. Mais entre les deux, il y a quoi? Il y a toute une communauté. Un palier potentiel de plus [pour veiller à la sécurité des enfants et agir comme ressource]», argue Mme Pressé.

Selon elle, les municipalités sont en mesure de poser des gestes concrets pour soutenir leur communauté; «pour aider les gens à protéger les enfants». L’idée n’est pas de mettre le poids sur les épaules des municipalités, nuance-t-elle, mais de les conscientiser au fait qu’elles ont un rôle clé à jouer.

«On s’est attardé aux éléments sur lesquels elles avaient du pouvoir. La Charte est un guide. On recommande, on valorise, on promeut; on n’impose pas.» Les municipalités qui y adhèrent sont invitées à poser certaines actions «à la hauteur de leurs capacités».

La Charte contient quatre objectifs et propose deux actions par objectif. «C’est simple à réaliser. La plupart ne coûtent rien, ou presque», affirme Mme Pressé, qui garde secret le contenu exact jusqu’au jour J. «On a créé un guide en complément. Il contient plusieurs idées inspirantes pour chaque élément de la Charte.»

Le libellé de cette dernière a été revu à plusieurs reprises avant d’être validé par un avocat. Des ressources externes, comme la directrice générale de Fortierville, ont également été mises à contribution afin de vérifier certains aspects en cours de route. Un travail de longue haleine.

Un lancement attendu

Au départ, la Charte devait être lancée au printemps 2020 dans le cadre des célébrations entourant le centième anniversaire du décès d’Aurore Gagnon à Fortierville. Or, la pandémie est venue contrecarrer les plans. «On a repoussé ça au 21 novembre, à l’occasion de la grande semaine des tout-petits et la semaine des droits de l’enfant. Le retour en zone rouge nous a forcés à remettre l’événement au printemps 2021. Finalement, on en est venu à l’évidence qu’on ne pourrait pas tenir le lancement en présentiel, alors on a opté pour la plateforme Zoom en se disant que de toute façon, les gens étaient rendus habitués», relate Julie Pressé.

Un gros travail a été fait au cours des dernières semaines pour convertir l’événement au mode virtuel et faire en sorte qu’il demeure convivial. Tout est fin prêt. La municipalité de Fortierville a même adopté sous embargo la fameuse charte. «C’était super important pour moi qu’on soit les premiers», admet la mairesse qui s’attend à ce qu’en mai, plusieurs municipalités emboîtent le pas. «La FQM et Espace Muni en font la promotion sur leurs plateformes. La MRC de Bécancour devrait aussi faire une résolution d’appui à la charte pour inviter les élus de la région à l’adopter à leur tour.»