Revoyons ensemble le modèle d’affaires de notre industrie
OPINION. Voici une lettre ouverte de Bernard Giles, propriétaire et gestionnaire de la Ferme du Joual Vair, et président de Tourisme Centre-du-Québec. Celle-ci est destinée à exprimer son positionnement face à la possible centralisation de la taxe sur l’hébergement ainsi que sur la pertinence de revenir au débat initial, soit la révision du modèle de gouvernance de l’industrie touristique.
Madame la Ministre du Tourisme,
À titre de propriétaire et gestionnaire d’une entreprise touristique depuis 35 ans et de président de l’Association touristique régionale (ATR) du Centre-du-Québec, je vous interpelle aujourd’hui afin de réorienter les discussions sur les objectifs que nous nous étions fixés il y a de cela près d’un an : revoir le modèle d’affaires de l’industrie touristique.
La communication a malheureusement pris une tout autre tangente dans les dernières semaines. Il semble que vous vouliez diriger les discussions vers une gestion centralisée de la taxe sur l’hébergement (TSH) par le Ministère du Tourisme, alors que le débat est tout autre.
Le réseau des ATR s’est livré à l’exercice demandé par la rédaction d’un mémoire proposant des pistes de solution concrètes. Nous visons à favoriser l’efficacité et l’atteinte des cibles identifiées dans le Plan de développement de l’industrie touristique (PDIT) 2012-2020. Mais voilà que l’on nous menace de retirer le levier économique régional que les établissements d’hébergement et les associations touristiques ont mis en place par eux-mêmes, afin de se donner les moyens de se développer et de se promouvoir.
Est-ce là le modèle d’affaires que vous nous proposez? Pourquoi avoir mobilisé autant d’individus à réfléchir si cela est pour nous ramener ce genre de proposition? Comme entrepreneur, je trouve illogique de proposer une telle avenue. À titre d’exemple, je ne me tournerais jamais vers mes collaborateurs pour leur demander d’augmenter leur prix et de me confier les surplus engendrés afin que je l’administre pour eux, sans assurance qu’ils récupèreront le fruit de leurs efforts. Il faudrait qu’il en soit autrement pour le Ministère? Ce même ministère qui ne possède aucun plan marketing et très peu de mesures de rendement pour ses campagnes de promotion, chiffrées à coup de millions? Confier une tâche aussi spécialisée que le marketing de destination à un ministère qui n’a pas toute la flexibilité et l’expertise à réagir promptement pour saisir les opportunités, c’est demander à un dentiste de réparer le moteur de ma voiture. Quel résultat!
Je ne suis pas seul à vous demander de réorienter la réflexion. Aujourd’hui même, M. Franco Lessard, PDG et copropriétaire du Manoir du lac William à Saint-Ferdinand, m’a rappelé qu’ « avec la disparition de la taxe sur l’hébergement dans les ATR, nous pourrions vivre un retour dans le temps. Cette redevance a justement été mise en place volontairement, sans l’aide du ministère, pour l’aide au développement et à la promotion de nos régions respectives. Nous avons accepté de percevoir cette taxe afin d’aider le Centre-du-Québec à maintenir des infrastructures de qualité, nécessaires à l’accueil d’une clientèle internationale intéressée de connaître notre région. Nous investissons énormément dans notre produit et sa mise en marché. Avec la collaboration de notre ATR, nous pouvons ainsi maintenir et créer des emplois. Notre défi est d’amener des touristes chez nous et d’inciter les Québécois à prendre leurs vacances chez eux! Une augmentation du taux de taxation nuira à la compétitivité de nos entreprises et affectera les rendements. Nos clients ont une limite budgétaire! »
M. Yves Zahra, notre directeur général, réitère que « la région a toujours collaboré, innové et démontré sa volonté de s’ouvrir à de nouveaux modes de fonctionnement. Elle participe depuis toujours à des alliances interrégionales afin de promouvoir son offre touristique et d’accroître l’impact de ses actions sur les marchés intra et hors Québec. Nous souhaitons continuer à collaborer et à développer de nouvelles façons de faire. »
Madame la Ministre, je vous demande de reprendre rapidement la réflexion sur le modèle d’affaires là où nous l’avions laissé, de relire les mémoires déposés, de prendre le temps de questionner les acteurs touristiques, de reconnaître les réussites des entreprises et leur contribution à la croissance des retombées économiques du Québec et de respecter l’expertise des régions dans le développement, la promotion et l’accompagnement des entreprises touristiques.
Vous invoquez la cohérence et c’est ce que nous souhaitons également. Alors, soyons cohérents sur l’objectif à la base de notre réflexion : revoyons ensemble le modèle d’affaires de notre industrie.
Bernard Giles
Propriétaire et gestionnaire de la Ferme du Joual Vair, et président de Tourisme Centre-du-Québec.