DOSSIER: envahis par la technologie
CYBERDÉPENDANCE. Nous sommes tous un peu contraints à utiliser la technologie. Pour le travail ou pour le plaisir, ordinateurs, téléphones intelligents, tablettes et consoles de jeux font partie de nos vies. Mais sait-on quand s’arrêter? La ligne est mince entre une utilisation saine et la cyberdépendance.
Coordonnateur des services professionnels au centre Le Grand Chemin de Saint-Célestin, Miguel Therriault en sait quelque chose. Depuis un an et demi, il est intervenu auprès de quatre adolescents dans le cadre de thérapies contre la cyberdépendance.
«On parle de cyberdépendance quand il y a une souffrance rattachée à ça, explique M. Therriault. Sur un plan clinique, c’est assez récent qu’on parle de cyberdépendance. C’est une problématique qui est en train de se définir. Tous les services qui existent présentement sont en quelque sorte des projets-pilotes. C’est le cas ici, à Saint-Célestin, avec les quatre personnes qu’on a eues.»
«On est en train de mettre en place des définitions, des procédures, ajoute-t-il. Ça fait quand même un certain temps qu’il se fait des écrits sur le sujet, mais les outils pour intervenir sont en train de se développer.»
Bien que la problématique soit récente, on sait que les troubles de santé mentale sont généralement rattachés à la cyberdépendance. Mais quand devient-on cyberdépendant? «La ligne est difficile à tracer, admet Miguel Therriault. Généralement, on va la tracer du moment que la personne vit une souffrance, un malaise important en lien avec son utilisation. On va aussi considérer le temps passé sur l’ordinateur et autres. C’est à partir du moment que les gens cessent de s’investir dans d’autres activités de leur vie et qu’ils développent des problèmes sociaux, familiaux et au niveau de leur emploi.»
L’un des facteurs de la cyberdépendance, ce sont les jeux en ligne en continu du style World of Warcraft. «C’est un jeu qui, même lorsque je ne participe pas comme joueur, continue d’évoluer. Je fais partie d’un groupe et les gens comptent sur moi. Si je ne suis pas là, peut-être que les gens vont moins réussir leur quête, donc j’ai un sentiment d’appartenance et un sentiment de devoir contribuer à l’évolution de mon groupe. Je me sens dans l’obligation de jouer. Et si je ne joue pas, mon avatar n’évoluera pas, donc je n’arrive pas à avancer dans le jeu», explique M. Therriault.
Vivre à travers la machine
Les troubles relationnels et les troubles anxieux sont aussi des caractéristiques que l’on retrouve chez les personnes cyberdépendantes. «Ta vie sociale se vit à travers la machine, illustre Miguel Therriault. Quelle que soit la dépendance, il faut garder en tête que personne n’est à l’abri. On peut tous, à un moment donné, surinvestir dans les technologies, perdre le fil et se faire envahir par la consommation d’un produit.»
Comme toute autre dépendance, la cyberdépendance peut se développer sur une longue période de temps. Pour d’autres, la consommation abusive est reliée à un choc émotionnel. «Souvent, les gens ne savent pas quand ça a commencé. D’autres vivent un événement-choc et se refuge là-dedans pour gérer le malaise. Les gens cyberdépendants vont investir beaucoup d’heures là-dedans, mais vont aussi utiliser plusieurs applications en même temps. La personne cherche à combler un besoin à travers ces actions-là.»
La thérapie
En thérapie, la première étape est le sevrage des technologies. «Il y a une coupure de l’utilisation malsaine des technologies. On va utiliser l’Internet, mais seulement dans un contexte d’enseignement étant donné qu’il y a des cours qui se donnent en avant-midi», indique M. Therriault.
«Il y a beau avoir un arrêt de l’utilisation de l’ordinateur, mais le trouble anxieux peut être encore présent, précise-t-il. Notre objectif, c’est de développer l’autonomie fonctionnelle de la personne. Il faut lui apprendre à gérer ses émotions. On vise une utilisation contrôlée qui respecte les limites de la personne et qui lui permet de continuer à s’investir dans les autres aspects de sa vie. Notre mandat d’intervention cible les adolescents, mais c’est une problématique qui existe aussi chez les adultes.»
Projet de recherche
Le centre Le Grand Chemin de Saint-Célestin est impliqué dans le projet de recherche Virtuado visant à définir ce qu’est la cyberdépendance et concevoir des outils pour mieux évaluer les besoins de cette problématique. Cette recherche panquébécoise est menée par Louise Nadeau de l’Institut universitaire en dépendance du Québec ainsi que Sylvie R. Gagnon et Magali Dufour de l’Université de Sherbrooke.