Le bâtisseur de La Moraine

GRAND-SAINT-ESPRIT.  Les citoyens de Grand-Saint-Esprit ont la chance d’avoir accès, en plein cœur de leur village, à un peu moins de 20 kilomètres de sentiers de ski de fond en terrain boisé. Si l’existence du Club de ski de fond de La Moraine a été rendue possible, c’est bien grâce à Bernard Ouellet, parrain, bâtisseur et mécène de La Moraine, qui depuis 40 ans se dévoue pour la cause, de manière entièrement bénévole.

Au début des années 1980, le boisé était aménagé pour laisser passer les motoneiges. Cependant, lors d’un gros épisode de verglas, les citoyens ont décidé de déplacer les sentiers de motoneige à l’extérieur de la zone boisée, car personne n’avait l’équipement nécessaire pour aller couper les branches et les arbres qui bloquaient les sentiers. C’est à ce moment que quelques personnes, dont M. Ouellet, équipées de motoneiges conventionnelles, ont décidé d’aller aménager les quelque trois kilomètres de sentier afin de laisser passer les skis de fond.

Mais l’histoire de Bernard Ouellet commence par une promesse faite au propriétaire du garage du village, également propriétaire du terrain boisé, qui se faisait âgé. Ce dernier a offert à M. Ouellet de lui vendre sa terre à prix d’ami, à la condition qu’il entretienne les pistes de ski de fond pour que sa femme puisse continuer à les fréquenter. Quatre décennies se sont écoulées, et Bernard Ouellet est encore fidèle au poste.

À l’époque, les pistes étaient tracées à l’aide de 2 par 4 attachés à l’arrière d’une motoneige, et, comme M. Ouellet ne possédait pas de scie mécanique, il coupait les branches nuisibles à l’aide d’une sciotte. Après plusieurs bris et pannes de motoneiges d’autres bénévoles, M. Ouellet s’est décidé à faire l’acquisition d’une motoneige alpine. « Ce sont des ski-doo avec deux chenillettes et un ski. J’ai acheté ça le 17 janvier 1984 pour la somme de 6200$. J’ai encore la facture! », lance M. Ouellet.

En 40 ans, Bernard Ouellet ne compte plus l’argent qu’il a déboursé pour bien entretenir les pistes de ski de fond auxquelles il a toujours donné accès aux Espriens. « Au début des années 2000, j’ai acheté un quatre-roues avec des chenilles Soucy. C’est quand même 13 000$! », révèle le bénévole. Il a dépensé pour des tracteurs, pour l’essence, pour des feuillets publicitaires, pour faire cartographier les sentiers, etc. Lorsqu’il a vendu l’immeuble locatif qu’il possédait, il a utilisé l’argent pour acheter de l’équipement, dont une surfaceuse-dameuse.

« Au lieu d’acheter un Winnebago comme mes amis, j’ai acheté un véhicule, mais il a juste deux places. Je vais dans l’ouest pareil, mais à cinq minutes dans ma cour! C’est dans mes valeurs, et je suis bien content de l’avoir fait. Tout ça, ça s’est fait avec joie. C’est un peu comme mon œuvre », raconte M. Ouellet avec émotion.

Au-delà d’une promesse

Bernard Ouellet n’a pas fait qu’entretenir la piste déjà présente, mais en a créé de nouvelles. Chaque deux ou trois ans, il dessinait un nouveau chemin. « On faisait venir la pelle mécanique qui enlève et enterre les souches, puis qui fait un chemin. On a commencé de même à grossir et à grandir », raconte-t-il. Aujourd’hui, ce sont 18 kilomètres de sentiers de ski de fond qui sillonnent la moraine.

Pour avoir accès aux pistes, il fallait autrefois se procurer un macaron au coût de 5$ pour la saison. Au fil des années, la vente des macarons a permis de payer l’essence et les frais courants. Éventuellement, des surplus étaient amassés et M. Ouellet remettait cet argent aux Loisirs de Grand-Saint-Esprit, afin que toute la communauté puisse continuer à profiter de ces fonds. Il estime que ce sont plus de 20 000$ qu’il a pu remettre aux loisirs du village.

Si M. Ouellet a donné sans compter à sa communauté, on se réjouit de savoir que sa communauté lui a également redonné. Notamment, la Municipalité a participé à défrayer M. Ouellet pour l’essence et des entrepreneurs ont versé des fonds au club. Au tout début, M. Ouellet allait acheter l’essence chez celui qui lui avait vendu le terrain boisé, essence qu’il payait avec l’argent de la vente des macarons. Même histoire lorsqu’il y avait un bris sur la motoneige alpine; c’est à son garage qu’il allait la faire réparer. Cependant, M. Ouellet n’a jamais reçu de facture pour ces réparations… « C’était un chic type, ce monsieur-là », partage-t-il, la voix pleine de reconnaissance.

 

 

 

ENCADRÉ

Cette année, les conditions de ski de fond ne sont pas optimales, à cause du temps doux et le peu d’averses de neige. La saison 2023-2024 a également commencé avec des réparations coûteuses, car des ponts ont été emportés à cause de la crue des eaux. Chaque saison réserve des surprises à Bernard Ouellet, que ce soit du verglas ou encore des ennuis de santé.

Cependant, en moyenne, M. Ouellet calcule une vingtaine de sorties, et trois heures sont requises pour faire l’ensemble des pistes après une averse de neige.