Une première école d’été à l’Institution Kiuna d’Odanak
Odanak Une cinquantaine d’étudiants atikamekw, innu et anishinabe ont convergé vers Odanak pour y passer une semaine afin d’approfondir leur connaissance de leur langue maternelle dans le cadre d’une école d’été mise sur pied conjointement par l’Université du Québec à Trois-Rivières, l’Université du Québec à Chicoutimi et l’Institution Kiuna.
Cette école d’été en didactique d’une langue algonquienne s’adresse aux futurs enseignants et enseignantes ainsi qu’aux éducateurs et éducatrices de la petite enfance. Les 52 étudiants proviennent de 11 communautés des Premières nations d’un peu partout au Québec: Côte-Nord, Abitibi, Haute-Mauricie et Lanaudière. Ils sont inscrits au microprogramme en enseignement d’une langue algonquienne à l’UQTR ou au certificat en technolinguistique autochtone à l’UQAC.
Comme l’explique la coordonnatrice de l’équipe de travail de l’école d’été, Émilie Hébert-Houle, de l’UQTR, le partenariat des deux universités avec l’Institution Kiuna augmente le nombre de langues qui peuvent être incluses.
« Habituellement à l’UQTR, on enseigne seulement aux atikamekw dans notre programme et à l’UQAC, c’est la langue innue qui est enseignée. Comme on avait les ressources avec Kiuna pour enseigner l’anishinabe et l’abénakis, qui sont dans la même famille linguistique des langues algonquiennes, on a pu ajouter ces deux langues-là dans nos cours. Les deux universités ne desservaient pas cette clientèle-là. »
La connaissance, la transmission et la préservation des langues maternelles algonquiennes (innu-aimun, atikamekw nehiromowin, anishinabemowin, langue abénakise) est un enjeu important chez les membres des Premières nations.
« Il reste beaucoup d’enjeux et de défis chez les jeunes enfants qui ne parlent pas nécessairement la langue. Ils sont beaucoup en contact avec l’anglais même si en général ils sont francophones. Maintenant les enfants parlent anglais à l’école, avec leurs parents, parce qu’ils apprennent l’anglais sur Youtube, avec les films et les jeux en ligne. »
Le projet d’une telle école d’été a pris près d’un an à être élaboré. À terme, les participants disposeront d’outils pour pouvoir transmettre leur langue maternelle et en faire la promotion.
« Quels sont les moyens d’acquisition des langues chez les enfants? Toute la semaine, on fait ce processus-là avec les étudiants qui feront une biographie de leur langue: quelles langues je parle, quand je les ai apprises, dans quel contexte je les utilise. Ça permet de faire des prises de conscience sur quelles sont les langues dans notre vie, quel rôle et quelle importance je leur donne, comment je les valorise. »
Si un volet théorique est nécessaire et utile, des activités pratiques pourront aider les participants à développer d’autres aspects de la didactique.
« Comment favoriser l’enseignement des langues quand on fait une activité. Pas juste expliquer et montrer des mots de vocabulaire, mais comment la langue est utilisée. » Mme Hébert-Houle en donne un exemple concert. « Il y aura une journée « langue seconde ». À travers des jeux, la formatrice va enseigner en espagnol et en mandarin pour mettre les étudiants dans le contexte de quelqu’un qui apprend une langue et qui ne comprend rien de ce qui se passe. Quelles sont les étapes à travers lesquelles tu dois passer pour que du vocabulaire s’acquière et qu’une compréhension langagière s’installe. »
Une quinzaine d’intervenants spécialistes allochtones et des Premières Nations se succéderont au cours de la semaine pour transmettre leur savoir. Ce qu’ils enseignent aux étudiants soulève des enjeux qui ratissent bien plus large que les matières scolaires à proprement parler.
« Comment adapter les milieux scolaires pour favoriser l’engagement des élèves, comment mettre la langue à l’avant-plan dans les écoles à tous les niveaux, dans tous les cours, comment les enseignants allochtones peuvent faire vibrer la fierté ancestrale. »
Samedi, pour bien clore la semaine, la dernière journée sera consacrée à la pédagogie par la nature. « Comment on ramène les jeunes sur le territoire? Les langues sont nées sur un territoire, racontent un territoire : comment ce territoire-là duquel les langues ont émergé a un impact, qu’est-ce que ça a comme impact être dehors pour enseigner nos langues traditionnelles, explique Mme Hébert-Houle. Pour des enseignants de langue, quelles sont les méthodes et les pédagogies qui reflètent le plus les pensées autochtones et ancestrales. On a beaucoup d’intervenants qui sont autochtones et qui ont étudié cette question-là. »
Cette première édition de l’école d’été en didactique semble avoir trouvé son public. Toutes les places disponibles ont été comblées. Les organisateurs pourront mesurer la participation des étudiants qui semblaient enthousiastes mardi matin juste avant que le premier cours commence. Une évaluation subséquente permettra de déterminer à quelle fréquence elle pourrait se répéter.