Pêcheur commercial depuis 45 ans
LAC-SAINT-PIERRE. En plus d’être maire de Maskinongé, Roger Michaud est pêcheur commercial depuis maintenant 45 ans. Ayant repris l’entreprise familiale, il constate aujourd’hui le manque d’engouement pour le métier et les nombreux changements qui s’opèrent dans le milieu. Il participait d’ailleurs au Colloque Eau et Municipalités qui se déroulait à Shawinigan à la fin du mois de mars afin de présenter sa conférence « La pêche commerciale de génération en génération ».
La participation de Roger Michard au colloque visait principalement à témoigner de son expérience sur le Lac Saint-Pierre et des changements qu’il a vu s’opérer au fil des années en ce qui concerne l’eau. « On m’a demandé ce que j’ai vu depuis que j’ai commencé à pêcher en 1980 sur le Lac Saint-Pierre, c’est-à-dire comment il s’est comporté et qu’est-ce qui a changé dans le Lac, surtout au niveau des herbiers puisque je suis pêcheur commercial depuis des années. Je suis d’ailleurs la cinquième génération », souligne-t-il.
Le pêcheur relatait dans sa conférence que les herbiers, soit des bancs d’herbes ou d’algues se trouvant sous l’eau sont largement moins présents qu’autrefois. Il a également constaté la disparition des embâcles de glaces en raison de l’arrivée des aéroglisseurs sur le fleuve et plus récemment des changements climatiques.
Roger Michaud relève dans un autre ordre d’idée que le métier de pêcheur commercial est particulièrement exigeant à divers égards, c’est pourquoi il tend de nos jours à disparaitre. « Il faut que tu aimes ça. Si tu n’as pas ça dans le sang, tu oublies ça. On était 42 pêcheurs en 2001. Maintenant en 2024, il en reste 6 sur le Lac-Saint-Pierre. Du côté nord, il ne reste que moi ».
La saison de pêche s’échelonne du mois d’avril au mois de novembre, tout dépendamment de la précocité des hivers. Il travaille 7 jours par semaine et souvent plus de 12h par jour. Roger Michaud reconnait également qu’il s’agit d’un métier physiquement exigeant notamment à cause des conditions sur l’eau, le vent et la gestion des filets de poisson qui sont souvent lourds. Toutes ces conditions difficiles combinées mènent à un manque de relève selon lui.
C’est à la suite du décès de son père que Roger Michaud reprit l’entreprise familiale de pêche commerciale. « J’avais étudié en agriculture et j’ai terminé mes cours en 1979, puis mon père est décédé à l’automne 1979. Ayant fini l’école, j’avais dit à ma mère que j’allais essayer la pêche, puis si j’aimais ça, j’allais pouvoir subvenir aux besoins de mes plus jeunes frères. Puis j’ai aimé ça, donc j’ai continué là-dedans! Depuis 1980 que je suis à mon compte ». Il fut finalement le seul membre de sa famille à reprendre l’entreprise.
Pour effectuer sa pêche, il couvre un large territoire entre Trois-Rivières et Sorel. Les différents secteurs du Lac Saint-Pierre offrent diverses sortes de poissons. « Je vais le pêcher, je le transforme et je vais le livrer. On fait-tout, moi et ma conjointe. Elle fait les filets, de l’emballage, du téléphone et toute la comptabilité. Tout ce qui est à l’extérieur, c’est moi qui m’en occupe ».
Roger Michaud et sa conjointe gèrent ainsi l’entreprise à deux, sans employé. « Quand tu reviens de la pêche, ce n’est pas fini. Il faut que tu arranges ton poisson et que ce soit frais. Il faut que ce soit assez rapide la transformation jusqu’à la chambre froide ». Cumulant aujourd’hui 45 ans dans le domaine, le pêcheur est bien conscient de la rudesse du métier.
Les restrictions du Lac
Roger Michaud fait face à certaines restrictions sur le Lac Saint-Pierre. Il y a en effet des secteurs de pêche et des variétés de poissons proscrits. « Quand j’ai commencé la pêche, la perchaude c’était 50% de mon revenu, puis je ne l’ai plus maintenant parce qu’ils ont mis un moratoire dessus. Le moratoire est là jusqu’en 2027 ». Par conséquent, ce choix de la communauté scientifique fut un coup dur pour le pêcheur.
Désormais, sa principale source de revenus est l’anguille. « C’est vendu beaucoup en Ontario par des grossistes et un petit peu à Montréal. Les Coréens en sont friands, les Japonais, les Allemands, les Français aussi », mentionne-t-il. Roger Michaud pêche également de l’esturgeon, la barbotte, la barbue, le crapet, la marigane et quelques autres poissons. Il vend essentiellement à des grossistes. Seule la barbotte est vendue en épicerie locale à Louiseville, Joliette et Lavaltrie.
« On m’a déjà posé la question pourquoi je ne vendais pas à des restaurants, c’est parce que je vends trop cher ». Il ajoute, « le poisson vendu ici vient pratiquement tout de l’Europe parce qu’il n’est pas cher. N’essaye pas de manger un filet de perchaude du Lac Saint-pierre dans un restaurant, ça vient tout de l’Asie ou de l’Europe, puis ça goute l’eau. Ça prend beaucoup d’assaisonnement », ricane-t-il.