Éboulis de 1955 à Nicolet: l’homme derrière la reconstruction
TÉMOIGNAGE. Malgré ses 98 ans bien sonnés, Rémi Raîche a encore frais à la mémoire les événements du 12 novembre 1955 qui ont défiguré à jamais la ville de Nicolet.
À l’occasion d’une commémoration du glissement de terrain qui a eu lieu au Havre du Faubourg, il a accepté de revenir sur les événements. Lui qui a été en charge d’organiser les secours et la remise en état des lieux.
Celui qui était à ce moment-là trésorier de la ville se retrouvait seul avec ce problème à gérer, puisque son assistant l’avait quitté quelques semaines auparavant pour aller poursuivre ses études.
Il était en plus secrétaire de la commission scolaire lorsque le drame a frappé. Ce qui, dit-il, venait doubler son problème. C’est qu’il y avait entre 450 à 500 élèves qui allaient à l’Académie Commerciale des Frères des Écoles Chrétiennes qui a été emportée. «Il fallait les loger quelque part et nous n’avions plus rien. Quand il faut faire quelque chose avec rien, c’est d’ouvrage…», illustre celui qui est par la suite devenu maire de 1967 à 1971.
En quelques jours, il a réussi à trouver des locaux pour répartir les élèves dans des dortoirs désaffectés du Séminaire, dans l’ancien orphelinat de l’hôpital Christ-Roi, chez les sœurs de l’Assomption, à l’Hôtel-Dieu, à la salle municipale et dans le sous-sol de l’ancienne école de la rue Lamarche.
Sans compter qu’il fallait par la suite tout remontrer les infrastructures municipales qui avaient été lourdement affectées par l’éboulis. «On avait des dégâts qui dépassaient le million de dollars. C’était beaucoup d’argent dans ce temps-là», se souvient celui qui avait collaboré avec le ministère de la Voirie.
Le tout n’était d’ailleurs pas une mince tâche, puisqu’en arrachant un tel morceau de terrain, l’éboulis avait aussi affecté le système téléphonique de la ville. Si bien que pour tenir des rencontres avec le conseil ou les commissaires, il fallait qu’il se débrouille comme il le pouvait.
Comme la route avait aussi glissée, ç’a complexifié son travail. Puisque la ville était en quelque sorte coupée en deux… Celui qui demeurait dans le bas de la rivière devait passer par le Port Saint-François pour s’en venir en ville. Jusqu’à ce qu’un chemin temporaire soit aménagé derrière les bâtiments des sœurs de l’Assomption, l’Hôtel-Dieu et dans la cour du Séminaire.
«Il fallait se grouiller.»
Pendant six mois, il a travaillé à raison 15 à 18 heures par jour pendant six mois pour tout remettre en place. Par la suite, il lui a fallu coordonner la construction d’une école centrale. Ce qui est devenue l’école Curé-Brassard qui a été inauguré en 1958.
«Comme on dit en bon Canadien: il fallait se grouiller, souligne-t-il. Avec le recul du temps, si on m’avait présenté ça d’un bloc. Je me serais dit que jamais j’aurais été capable de passer au travers. Parce que les membres du conseil comme de la commission scolaire, ce n’était pas tous des ingénieurs. C’était aux officiers de faire le travail. Comme il n’y en avait à peu près pas, ça devenait l’officier qui faisait l’ouvrage!»
Des histoires bouleversantes
Rita Roy, la veuve d’Édouard Lair, raconte pour sa part que son défunt époux avait vécu difficilement ce qui s’était produit en 1955. C’est qu’il était alors l’ingénieur en charge des travaux pour la construction d’une rue en bordure de la rivière.
«Il avait demandé à Québec d’envoyer des spécialistes pour faire des tests. Il voulait que la rue en arrière du Korvette aille rejoindre la rue Saint-Jean-Baptiste et le boulevard qui était en construction, et il fallait faire une dénivellation», raconte-t-elle.
M. Lair avait reçu une réponse l’assurant qu’il n’y avait pas de problème. Des papiers que Rita Roy conservent encore précieusement. Plusieurs croient d’ailleurs qu’en bougeant de la glaise à cet endroit, c’est possiblement ce qui a été la cause de l’éboulis. «Il était fâché, mais je ne le connaissais pas à ce moment-là. Je l’ai rencontré par la suite», raconte Mme Roy.
On se souviendra d’ailleurs que le cratère s’était arrêté à quelques mètres de la cathédrale qui a par la suite été démolie. Ce serait le quai où accostait le bateau Jean-Nicolet, qui transitait vers Trois-Rivières, qui aurait servi de mur de soutènement pour ce secteur de la ville, croit Remi Raîche.
Lors de la commémoration organisée par Claude Girard, qui a réuni 45 photos d’avant et d’après le glissement de terrain, plusieurs personnes qui ont vécu les événements de près étaient sur place.
Des personnes comme Gisèle et Georges Biron, qui ont failli perdre leur bambin dans la glaise, et qui ont dû tout recommencer à zéro après avoir perdu leur maison et leur commerce.
Ou encore d’autres qui ont eu la peur de leur vie, comme André Lupien qui a dû se sauver juste à temps de l’Académie commerciale qui était en train de partir. Des histoires comme celle de Léo-Paul Lauzière, qui s’est accroché à un poteau de la station-service Texaco.
Louis-Paul Lemire qui était dans un sous-sol et qui a glissé sous le pont; Rita Roy qui a vu le cratère arrêté pratiquement à ses pieds à l’ancien terminus; tout comme Jacqueline Bergeron, qui se trouvait à la Banque canadienne nationale, étaient aussi sur place.
Raymond Proulx, venait pour sa part d’aller reconduire le frère Herménigilde avant qu’il ne perdre la vie dans le glissement de terrain qui s’est produit quelques minutes plus tard.
Des gens qui ont porté secours étaient aussi sur place, dont Lise Auger, la fille d’Arthur qui est considéré comme un héros pour avoir retrouvé l’enfant dans les décombres avant qu’il soit transporté à l’hôpital de Montréal où on lui a sauvé la vie. Guy Rousseau qui a vu le glissement de terrain et qui s’était empressé d’évacuer près de 200 personnes du foyer.