Heureux dans la différence
BÉCANCOUR. Jasmine Hébert a vécu son lot de remises en question il y a dix ans. « Est-ce que je suis une bonne mère ? Est-ce que je fais les choses correctement ? » Son fils Nicola ne se développait pas au même rythme que les enfants de son âge. Les conseils fusaient de partout : « Chante-lui des chansons ; tu vas voir, ça fait apprendre »…
Tout ce qu’on lui suggérait de faire ne fonctionnait pas. « J’en ai fait, des spectacles, pour mon fils !, s’exclame-t-elle. J’avais l’impression de tirer à gauche et à droite pour le stimuler, pour qu’il parle. À un moment donné, ça devient épuisant. Tu en viens à penser que tu n’es pas bonne. Et tu finis par le prendre personnel… »
Le diagnostic d’autisme avec dysphasie sévère a été accueilli avec un réel soulagement. « Ça m’a fait du bien », admet-elle. La pression est tombée et a fait place à l’acceptation. Nicola était un enfant différent, avec des difficultés et des limitations bien à lui, « et c’était bien correct » ainsi, dit Jasmine Hébert. « On a pu s’outiller autrement ».
Parce qu’avec le diagnostic vient une panoplie de services. « On a été épaulé par le CIUSSS. On a aussi obtenu de nombreux services au privé. Nicola a été suivi en ergo, en ortho… On a vu une progression. »
Il y avait soudainement de la lumière au bout du tunnel. Puis, tout naturellement, Jasmine Hébert et son ex-mari ont consacré leur énergie à faire en sorte que leur enfant soit heureux et qu’il chemine comme il peut. « On ne voit plus de tunnel du tout. Il y a… la vie. Juste la vie. C’est comme ça ! »
Grandir… et cheminer
Nicola a 10 ans. Il fréquente une classe spéciale à l’école Marquis de Saint-Célestin. Il a beaucoup d’amis. Il est « très gentil », charmant même, en plus d’être « beau comme un cœur », décrit sa maman, qui a toujours tenu à ce qu’il soit en contact avec des enfants du service de garde régulier de Bécancour, où il demeure, pour qu’il ait aussi des amis dans son village.
« Il y a trois ans, c’était plus difficile socialement. Il avait de la difficulté à entrer en contact avec des amis. On a beaucoup travaillé la communication sociale. Il a aussi maturé. Présentement, ça va très bien. Les amis ont compris qu’il était différent. »
Cette différence se traduit par des défis quotidiens : des difficultés de langage et de motricité fine, principalement. « Nicola répond aux questions, mais n’entretient pas de conversation. Sa disponibilité est de très courte durée. Il faut le ramener constamment. En ce qui concerne les émotions, elles passent facilement d’un extrême à l’autre. »
Avoir une routine bien établie est excessivement important pour lui, ajoute sa mère. C’est un repère rassurant : « Les traditions sont sacrées ! À Noël, le menu doit toujours être le même, tout comme le gâteau à sa fête. Le mercredi, quand on est ensemble, on prend un apéritif et le jeudi, c’est le « jeudi cochonnerie » . Il mange ce qu’il veut. Ça lui permet de faire des choix même si on est dans un contexte de routine. »
L’avenir
Plus Nicola vieillit, plus il éblouit sa mère. Au point où il est difficile pour elle de se projeter dans l’avenir. « Il fait tellement de beaux progrès ! Il nous surprend constamment. On dirait que cette année, il y a une lumière qui s’est allumée. Il cuisine (merci TikTok !), il est intéressé à l’anglais, à la technologie et au travail à la ferme. Il a même de la répartie, à l’occasion ! »
Nicola a grandi entouré de gens. Sa mère est propriétaire de deux entreprises, à savoir le Manoir Bécancourt et le pub Au Cochon fumé, et il y met les pieds régulièrement. « Le personnel est tellement gentil avec Nicola ! Il prend le temps de lui expliquer les choses, il est aimable, généreux de son temps », se réjouit Jasmine Hébert. Certains employés font même partie de sa garde rapprochée ; Nicola les considère comme des membres de la famille.
« Mon fils ne pourrait pas être mieux encadré. L’école est impeccable. Ici, il est sollicité, challengé. Ses grands-parents, oncles et tantes sont présents. Il est stimulé au maximum ».
Le but de l’exercice, en collaboration avec son père, bien sûr, est de préparer Nicola à devenir un adulte : « -On veut que notre fils soit capable d’avoir sa vie. De fonctionner seul. On souhaite qu’il soit indépendant, heureux et autonome », exprime Mme Hébert, consciente qu’une fois l’école terminée, il est souvent difficile pour les jeunes autistes de se placer.
« Mon ex-mari et moi ne voulons pas mettre notre fils dehors à 18 ou 19 ans, mais on ne veut pas non plus qu’il reste avec nous jusqu’à 30 ans. On veut qu’il ait une jobine, un appartement, et le superviser. Peut-être qu’on achètera un immeuble à logements et qu’il en sera locataire ; ça reste à voir. Mais ils sera capable de se débrouiller. »
Déjà, Nicola est sensibilisé à cela : « On ne fait pas les choses à sa place. Ça, c’est non négociable. Quand on va au resto ou en voyage, il doit commander ses choses et aller les chercher. Sinon, il n’a rien. »
Il n’existe pas de mode d’emploi en éducation. Chaque parent trouve ses trucs et astuces pour aider son enfant à s’épanouir. « J’ai arrêté de comparer. Pourtant, je suis une femme compétitive : j’ai deux entreprises, j’ai fait du patinage artistique toute ma vie… Mais avoir un fils différent, ça ouvre sur plein de choses. Je suis une maman comblée. »
Fiston également, témoigne le principal intéressé : « Ma mère est gentille. Elle est drôle et on a du plaisir ensemble. Elle travaille fort », décrit-il.
Nicola est la priorité absolue de Jasmine Hébert. « Si un jour je sens que je n’ai plus de temps pour lui, j’arrêterai des choses », affirme celle qui a été élue l’automne dernier comme conseillère municipale à la Ville de Bécancour. D’ailleurs, à la séance publique d’avril, elle portera fièrement du bleu pour souligner le Mois de l’autisme. « La sensibilisation, l’écoute et l’inclusion, c’est important », termine-t-elle.