Changer les pratiques a un coût
RÉGIONAL. La durabilité économique et sociale des interventions et les changements apportés aux pratiques des agriculteurs constituent l’un des trois axes d’intervention du Pôle d’expertise multidisciplinaire en gestion durable du littoral du lac Saint-Pierre.
Les agriculteurs avec lesquels le Pôle collabore accueillent bien sûr assez favorablement l’initiative. L’Union des producteurs agricoles a aussi été mise à contribution. La chercheuse Anne Vanasse nous explique que «les champs n’ont pas été choisis au hasard. Il fallait qu’il y ait différentes cotes d’élévation d’eau et qu’ils soient aussi accessibles par bateau au printemps». Une chercheuse est spécifiquement affectée aux questions entourant le « niveau d’adoption des propositions qu’on leur fait, des freins et des aides nécessaires à l’adoption de ces pratiques », souligne Mme Vanasse.
Les agriculteurs se montrent curieux des solutions que leur propose le Pôle. Mais ils s’en inquiètent aussi. Les bandes pérennes qu’on déploie au bord des fossés et de la rive les privent de surfaces cultivables qu’ils pourraient autrement exploiter. Et le gouvernement pourrait les surprendre avec des mesures imposées. «Ces pratiques-là ont un coût. Il faudra voir ce que ça représente à l’échelle du champ et du territoire, voir comment on peut avoir du soutien pour implanter ces pratiques-là. C’est du cas par cas, secteur par secteur», soutient Anne Vanasse de l’UQTR.
Christian Dionne est l’un de ces agriculteurs. Il exploite 470 acres (190ha) sur deux sites de Baie-du-Febvre. Il avoue aimer «faire des expériences, savoir ce qu’on peut faire pour améliorer notre sort comme agriculteur et pour l’environnement aussi». Il espère en tirer «de meilleurs apprentissages sur les bandes riveraines». Certaines font jusqu’à quatre mètres de profondeur, d’autres deux. Il souhaiterait moins. «J’espère que l’expérience va nous démontrer l’avantage des bandes riveraines».
Il a notamment planté sur ses terres des alpistes roseaux, une graminée qui tolère bien les inondations et qui peut se récolter en fourrage. «On fait tout notre possible. Des bandes riveraines, des semis de couverture, semer du blé d’automne à la volée et des plantes de couverture entre les rangs de maïs», dit-il. «La plupart de ceux que je connais participent tous au programme. Certains ont peur qu’on se fasse interdire de cultiver en bas et qu’on ait juste de l’alpiste roseau en bas (des terres) à la grandeur. Faut que le gouvernement vienne nous compenser. Je paie une hypothèque sur cette terre-là!»
Il faut accompagner le changement au niveau du collectif agricole, disent déjà les chercheurs. Des pratiques durables doivent être adoptées par tous, pas seulement par les agriculteurs en bordure du lac.