Le Syndicat des Métallos porte plainte auprès de l’Organisation internationale du Travail
LOCK-OUT. Par ses déclarations en lien avec le lock-out de l’aluminerie de Bécancour (ABI), le premier ministre François Legault aurait violé la Convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail ainsi que la Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale estime le Syndicat des Métallos.
Pour ces raisons, l’organisation qui défend les lockoutés de l’ABI a annoncé ce lundi le dépôt d’une plainte auprès de l’Organisation internationale du Travail (OIT) à l’encontre du gouvernement du Québec.
«Par ses déclarations visant à jeter un discrédit sur la position syndicale en la qualifiant à répétition de « déraisonnable », le premier ministre est venu peser de tout son poids en faveur de la compagnie dans une négociation du domaine privé. Il a pris fait et cause pour la partie patronale. C’est contraire au droit international et nous demandons à l’Organisation internationale du Travail de se saisir du dossier », explique le directeur québécois des Métallos, Alain Croteau.
La plainte en question a été envoyée au Comité de la liberté syndicale qui relève de l’OIT, l’agence de l’Organisation des Nations unies chargée au niveau mondial d’élaborer et de superviser les normes internationales du travail. Elle vise les nombreuses déclarations publiques du premier ministre du Québec, François Legault, en avril, mai et juin dernier au sujet du conflit de travail qui fait rage chez ABI depuis le 11 janvier 2018.
«Le gouvernement du Québec, par les déclarations de son premier ministre François Legault, a manqué à ses obligations stipulées aux déclarations et convention de l’OIT en diffusant de l’information inexacte quant aux enjeux de la négociation et en prenant position officiellement en faveur d’ABI, discréditant ainsi publiquement le Syndicat», explique Me Katherine-Sarah Larouche, du cabinet Philion, Leblanc, Beaudry, avocats.
«Le gouvernement du Québec a ainsi entravé le droit du Syndicat au libre exercice du droit syndical et son droit de revendiquer librement et avec des chances égales des conditions de travail pour les salariés syndiqués d’ABI», ajoute Me Larouche.
La plainte recense au moins neuf déclarations publiques du premier ministre entre le 1er avril et le 3 juin dernier. Dans ses interventions, le premier ministre a induit le public en erreur quant aux enjeux de la négociation, décriant les «demandes syndicales», alors même que celui-ci n’en formule aucune dans la présente négociation et ne fait que réagir aux demandes de concessions de l’employeur, dont plusieurs se sont rajoutées seulement récemment, après plusieurs mois de lockout, soulève le syndicat.
«Dans cette négociation, c’est l’employeur qui est en demande, c’est lui qui a même ajouté des nouvelles demandes plusieurs mois après le déclenchement du lockout. Le Syndicat n’en a aucune. Depuis le début, ce dernier ne fait que répondre aux demandes de concessions de l’employeur, ouvrant la porte à des aménagements qui sont toujours jugés insuffisants par Alcoa. Le premier ministre le sait, mais il répète systématiquement que les demandes syndicales sont déraisonnables. Il fait de la désinformation», dénonce l’adjoint au directeur québécois des Métallos, Dominic Lemieux.
Il rappelle qu’au cours de la négociation, la partie syndicale a accepté de considérer un régime de retraite à financement salarial où le risque est assumé par les travailleurs en remplacement de l’actuel régime de retraite à prestations déterminées, afin de répondre aux demandes des actionnaires d’Alcoa.
«En donnant raison à l’employeur et en exerçant une pression indue sur les travailleurs auprès de l’opinion publique, le premier ministre a nui au processus de négociation et à celui de médiation. Plutôt que de considérer la contre-proposition syndicale, l’employeur s’est campé sur ses positions et le lockout s’éternise. Pire, l’ingérence du premier ministre a jeté un doute sur l’objectivité du gouvernement dans le dossier, au moment même où le ministre du Travail déposait une hypothèse de règlement et où le syndicat demande la collaboration des autorités pour faire respecter la loi anti-briseurs de grève», affirme le président de la section locale 9700, Clément Masse.
Rappelons que le lockout chez ABI a été déclenché par Alcoa et Rio Tinto le 11 janvier 2018, alors que le Syndicat avait indiqué qu’il n’avait pas l’intention de se prévaloir de son droit de grève et que seuls quelques éléments restaient en suspens à la table de négociations. L’employeur a depuis ajouté plusieurs nouvelles demandes, éloignant d’autant la perspective d’un règlement. Les syndiqués ont rejeté le 11 mars dernier une offre patronale, inférieure à celle présentée avant le conflit, dans une proportion de 82 %.