Déjà plus de 40M$ en manque à gagner pour Hydro-Québec
ARGENT. Chaque jour de lock-out qui ont passé à l’Aluminerie de Bécancour ont représenté un manque à gagner de près de 605 000$ par jour pour Hydro-Québec.
C’est ce qui ressort des calculs réalisés par un analyste indépendant du secteur de l’énergie, Jean-François Blain, à partir des plus récentes données disponibles sur les prix de l’aluminium – qui ont oscillé autour de 2 200$US par tonne depuis le début de début de 2018 – et des taux de change.
Ainsi, le lockout déclenché unilatéralement par Alcoa et Rio Tinto, le 11 janvier dernier, représente à ce jour la rondelette somme de 41,7 millions $ en moins dans les coffres d’Hydro-Québec. Sur une année, la perte de revenus s’établirait à 220 millions $.
Depuis le lock-out décrété, 11 janvier dernier, ABI a réduit sa production des deux tiers en arrêtant deux des trois séries de cuves d’électrolyse.
Réduisant ainsi d’autant sa consommation d’électricité qui, à pleine capacité, représente une puissance de 735 MW, en hiver, et 730 MW, en été. C’est pourquoi l’analyste estime que les pertes de revenus se chiffrent à 604 464$, en hiver, et 600 352$, en été.
Le contrat qui lie ABI et Hydro-Québec prévoit en effet qu’ABI doive payer pour le bloc d’énergie qui lui est réservé, et ce, peu importe si elle l’utilise ou non. La compagnie ne pourrait pas décider de réduire sa production et payer uniquement pour l’énergie réellement consommé. Ni de continuer à bénéficier des tarifs avantageux pour la portion restante.
Toutefois, l’article 20.4 du contrat stipule qu’en cas de « force majeure », la compagnie voit ses obligations contractuelles suspendues. Ceci signifie un événement imprévisible, irrésistible et échappant au contrôle d’une partie. Or, un lock-out est considéré à ce titre, tout comme une grève, un piquetage ou un conflit de travail.
Ceci est considéré au même titre qu’un sabotage, un orage, du verglas, un tremblement de terre, la foudre, une explosion, un incendie, une inondation, une épidémie, des troubles sociaux, une rébellion, une émeute, une invasion, une insurrection, un embargo ou même une guerre.
Ainsi, ABI n’est plus tenue de payer pour l’électricité qu’elle n’utilise pas. Toujours selon les termes du contrat, elle échappe aussi à une pénalité annuelle de 41,9 millions $ qu’elle devrait normalement payer en raison de la diminution de production sous la barre des 380 000 tonnes d’aluminium par année.
Si jamais le conflit durerait une année complète, au prix actuel de 5,14 cents par kilowattheures, l’analyste indépendant du secteur de l’énergie, Jean-François Blain, indique que le manque à gagner sera de l’ordre de 220 millions $ pour Hydro-Québec.
Au total, ce serait 4 TWh qui viendraient s’ajouter sur une base annuelle aux surplus d’Hydro-Québec, qui se trouve déjà en surplus d’électricité.
Un non-sens pour le syndicat
La partie syndicale, qui a commandé cette analyse, déplore qu’un lock-out puisse être considéré au même titre qu’un tremblement de terre. «C’est une décision d’affaires prise en connaissance de cause. Ça n’a aucun sens que ça puisse être considéré comme un cas de force majeure et qu’une partie des coûts retombe sur les épaules de tous les Québécois. On ne peut simplement dire qu’il s’agit d’un conflit privé quand cela risque d’avoir une telle incidence ultimement dans la poche des Québécois», fait valoir l’adjoint au directeur québécois des Métallos, Dominic Lemieux.
« Si la compagnie bénéficie de tarifs d’électricité avantageux de la part de l’État québécois, c’est parce qu’elle crée de bons emplois ici. Aujourd’hui, elle rompt ce pacte unilatéralement, alors qu’une solution négociée était à portée de main. Cela affecte lourdement 1030 familles, l’économie de toute une région et maintenant on comprend que l’ensemble des Québécois en paie aussi le prix », dénonce pour sa part le président de la section locale 9700, Clément Masse.
Cette situation rappelle au peu celle vécue lors du lockout chez Rio Tinto Alcan à Alma en 2012, alors qu’Hydro-Québec avait été tenu d’acheter les surplus d’énergie générés par la multinationale au Lac-Saint-Jean en raison de sa diminution de production d’aluminium. C’est alors 148 millions $ qu’avait dû débourser la société d’État sur une période de six mois.
« Le scénario est un peu différent. Dans ce cas-ci, c’est une perte de revenus pour Hydro-Québec plutôt que des sommes que la société d’État doit débourser. Mais la logique est la même : c’est l’ensemble des Québécois qui se retrouvent à payer les pots cassés pour les actions cavalières des multinationales de l’aluminium. On a une impression de déjà-vu », explique Dominic Lemieux.