Drogue au volant: les policiers seront-ils prêts?
FORMATION. Est-ce que les policiers seront préparés à faire face à une recrudescence de conducteurs avec les facultés affaiblies par la drogue avec la légalisation prochaine du cannabis?
Le nombre d’agents évaluateurs – des effectifs qui servent à déterminer si une personne est intoxiquée une fois qu’elle a été amenée au poste – devrait du moins augmenté de près 50% au cours de la prochaine année.
C’est ce qu’il nous a été permis d’apprendre du côté de l’École nationale de police du Québec, à Nicolet, où trois groupes de douze personnes suivront une formation de 80 heures sur le sujet. «On sait qu’il y en a 80 au Québec et on s’apprête à en ajouter 36», indique la conseillère en communication à l’ENPQ, Andrée Doré.
Le nombre d’agents évaluateurs était d’ailleurs jugé trop faible, au début du mois de septembre, par la Fédération des policiers et des policières municipaux du Québec (FPMQ), alors qu’ils représenteraient moins de 1% des effectifs. En comparaison, il y aurait 10 fois plus de techniciens pour l’alcool au volant.
«Cette situation est préoccupante quand on sait que les accidents de la route après la consommation de cannabis ont augmenté de 40% au Colorado après la légalisation», a soulevé Robin Côté, président de la FPMQ, par voie de communiqué, il y a quelques semaines.
Les agents évaluateurs agissent un peu comme le fait un technicien qualifié en mesurant le taux d’alcool dans le sang à l’aide d’un appareil de détection, en tentant de prouver que le suspect est intoxiqué.
Pour y arriver, une série de douze épreuves seront nécessaires quand une personne est amenée au poste. «Les douze étapes nous permettront de classifier si la personne est sous l’effet d’une ou de plusieurs drogues, et de quelles familles de stupéfiants : un dépresseur ou autres», explique Denis Hubert, expert-conseil en sécurité routière.
Un alcotest est d’abord nécessaire pour éliminer l’alcool des possibilités. Puis, une série d’examens physiques sont ensuite menés, comme de prendre la pression artérielle, la température ou un examen des pupilles. Le policier peut aussi demander au suspect de suivre des yeux le déplacement d’un objet par un mouvement, par exemple.
Par la suite, un test d’urine est demandé à l’individu. Celui-ci est ensuite analysé en laboratoire et sert à corroborer les conclusions de l’agent évaluateur correspondent à ce qui a été détecté. Si tel est le cas, des accusations pourraient être portées.
Un agent par patrouille?
Avec les nombreux accidents de la route causés par l’alcool et la drogue, les policiers ont augmenté leur vigilance au cours des dernières années. Depuis 2012, les aspirants-policiers de l’ENPQ sont formés systématiquement à l’épreuve de coordination de mouvement (ECM).
Ceux-ci servent à déterminer si un individu est intoxiqué lors de son arrestation par l’acquisition de «motifs raisonnables de croire» qu’il est sous l’effet de l’alcool, d’une drogue ou d’une combinaison des deux.
Le tout se fait par l’observation d’un individu après l’avoir soumis à trois épreuves de base. C’est-à-dire de suivre des yeux un objet de gauche à droite, marcher et se retourner et se tenir debout sur un pied.
«En lui donnant des directives, le policier est en mesure de voir si son attention est partagée. Parce que quelqu’un qui est intoxiqué n’est pas capable de se concentrer et de respecter les consignes qui lui sont données», ajoute Denis Hubert.
Actuellement, on compterait 73 moniteurs qui ont le mandat de former les patrouilleurs dans chacun des corps policiers du Québec. La FPMQ souligne d’ailleurs qu’il y a encore beaucoup de travail à faire à ce chapitre, étant donné que plusieurs policiers ne sont pas formés en détection de drogues.
Ceux-ci peuvent ainsi passer à côté de certains signes s’ils ne sont pas flagrants. Surtout que toutes les drogues n’entraînent pas le même type de symptômes physiques. Par exemple, les consommateurs de drogues stimulantes auront davantage de tics nerveux et auront des réflexes exagérés. Tandis que les signes de consommation de cannabis seraient difficiles à détecter étant donné qu’ils s’amenuisent rapidement.
«Pour bien faire notre travail et assurer la sécurité sur les routes, il faudrait minimalement qu’un agent par patrouille soit formé pour détecter la conduite avec facultés affaiblies par le cannabis et intervenir. On est très loin du compte», estime Robin Côté.
Il y a aussi dans l’acquisition d’équipement dans lequel la FPMQ constate un retard. «Il doit y avoir des annonces rapidement pour des subventions pour l’acquisition d’équipement dans les corps de police municipaux, souligne le président. Autrement, c’est simple, nous ne serons pas prêts au 1er juillet 2018».
Les grands fumeurs pénalisés
Le fédéral recommande jusqu’ici de ne tout simplement pas prendre le volant si l’on a consommé du cannabis. Selon le projet de loi, un conducteur commettrait une infraction si deux nanogrammes de THC sont détectés, soit la limite équivalant à la plus basse au monde (au Nevada). Il s’agit d’une quantité minime si l’on considère que 5 ng/ml peuvent encore présentes dans le sang 24 heures après avoir consommé. Des études ont également démontré que les fumeurs réguliers accumuleraient du THC dans leur graisse et dépasseraient cette limite sans même avoir consommé.