Quand le rêve devient un cauchemar

Au moment de s’établir en bordure du fleuve Saint-Laurent, les résidents de Saint-Pierre-les-Becquets et de Deschaillons-sur-Saint-Laurent étaient bien loin de se douter que leur petit coin de paradis prendrait des allures plutôt inquiétantes. Situés dans une zone propice aux glissements de terrain, voilà maintenant plusieurs années qu’ils vivent avec une peur grandissante: celle de ne pouvoir reconstruire leur demeure en cas de sinistre.

Selon un règlement gouvernemental présentement en vigueur, les maisons et chalets construits à l’intérieur de ces espaces dits à risque ne peuvent être rebâtis au même endroit, ni même rénovés, s’ils sont endommagés à plus de 50% de leur valeur marchande. Et ce, même si un accident naturel survient, tel qu’un incendie ou un déplacement du sol.

«Ça affecte considérablement nos citoyens, affirme le maire de Deschaillons-sur-Saint-Laurent, Christian Baril. Le règlement a été bonifié par le gouvernement après les Fêtes, mais il n’y a toujours rien pour garantir une protection aux personnes concernées en cas de sinistre. C’est un gros problème parce que c’est justement ça, leur principale préoccupation. Ils ont plus peur de tout perdre que des glissements de terrain eux-mêmes.»

Ce dernier ajoute que ce problème en entraîne un autre. M. Baril explique que la vente des propriétés devient également presque impossible en raison de cette contrainte imposée aux citoyens. «Quelqu’un qui ne peut pas reconstruire sa maison si elle est endommagée ne pourra pas non plus la vendre, illustre-t-il. Il se retrouve donc pris avec une maison inadéquate et possiblement même non fonctionnelle.»

Le directeur général de la MRC de Bécancour, André Roy, rapporte qu’une soixantaine d’habitations sont situées dans une zone à risque et, par conséquent, sont touchées par ce règlement sur le territoire de la MRC, incluant les maisons et chalets situés en bordure de la rivière Gentilly. «Plusieurs habitations ont été construites dans les années 30 à 50 avec des normes qui n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui, et c’est ce qui crée toute cette problématique», raconte-t-il.

Rappelons que les maisons et chalets visés par la loi gouvernementale sont ceux qui se trouvent tout près des talus ou même au bas de ceux-ci. Selon la loi, les habitations doivent être construites à une distance minimale équivalente à la hauteur du talus en question. «Si le talus mesure 50 mètres, les maisons doivent être situées à au moins 50 mètres du bord du talus», explique M. Baril.

Ça passe ou ça casse

Les choses pourraient cependant prendre une tournure bien différente le 11 mars prochain alors que la MRC de Bécancour tiendra une consultation publique, dès 19h30, à l’école secondaire Les Seigneuries de Saint-Pierre-les-Becquets. Il sera notamment question des changements apportés au règlement encadrant les zones exposées aux glissements de terrain. La MRC de Bécancour présentera le fruit des démarches qu’elle a entreprises auprès du gouvernement en octobre dernier. Si les citoyens sont d’accord, le règlement actuel qui impose des restrictions quant à la reconstruction d’une maison endommagée pourrait être modifié de sorte à avantager les propriétaires. La limite fixée à 50% de la valeur marchande serait repoussée à 70%. Ce qui permettrait aux propriétaires de reconstruire au même endroit ou de rénover leur demeure si les dommages évalués se situent sous le nouveau seuil de 70%.

«Les citoyens pourront se prononcer sur le sujet, explique le maire de Deschaillons-sur-Saint-Laurent. S’ils décident de se mobiliser et de demander à ce que le règlement soit changé, on va recommencer les démarches auprès du gouvernement. On ne peut pas être certain que ça va fonctionner, mais les gens ont le droit de demander.» Bien que la totalité de la MRC de Bécancour soit concernée par les modifications apportées au règlement, les municipalités de Saint-Pierre-les-Becquets et de Deschaillons-sur-Saint-Laurent y porteront une attention particulière, étant celles les plus touchées par cette problématique.

Un problème qui traverse les années

Du plus loin que M. Baril se souvienne, il y a toujours eu un règlement particulier dans sa municipalité s’adressant aux propriétaires de maisons et de chalets situés en bordure du fleuve. Ce règlement comportait un élément primordial : le droit de reconstruire ou de rénover sa propriété sans restriction. Ce droit leur a toutefois été enlevé en 1987. C’est à ce moment que la situation est devenue source d’inquiétude auprès de nombreux citoyens de la région.

«Les glissements de terrain qu’on a connus dans le passé ne sont pas spectaculaires comme on peut le voir ailleurs, concède-t-il. C’est somme toute assez mineur, mais c’est quand même là et c’est dérangeant. Et le fait de ne pas pouvoir arranger les dégâts au besoin, c’est encore plus dérangeant.» Sur quoi il conclut en disant qu’il lui faudra tout de même patienter jusqu’au 11 mars avant de connaître la suite de choses.