Obus : un sujet délicat pour les proches de Pierre Gentes

Pour les citoyens de la région, la chasse aux obus demeure un sujet délicat au fil des ans. Le simple mot obus donne froid dans le dos à plus d’une personne qui ont toujours en mémoire la triste histoire de Pierre Gentes. Cela fait 30 ans cette année que le Nicolétain est décédé à la suite de l’explosion d’un de ces objets. Trente ans plus tard, la famille du défunt déplore la lenteur des travaux effectués pour éliminer le danger.

«Je suis révoltée de voir que la situation n’a presque pas changé après tout ce temps, lance sa veuve, Claudette Houle, d’un ton empreint de colère et de tristesse. Il n’a pas eu grand-chose de fait depuis trente ans. C’est frustrant, désolant et surtout inquiétant. On n’est toujours pas plus à l’abri qu’on ne l’était dans le passé.»

Rappelons qu’en 1982, M. Gentes se trouvait autour d’un feu de camp de la Saint-Jean-Baptiste, à sa résidence du Port-Saint-François, lorsqu’un objet inconnu, qu’il ramassa et jeta dans le feu, lui explosa au visage. Une horrible scène à laquelle ont assisté quelques-uns de ses proches.

Marqués pour la vie

Après avoir vécu un drame épouvantable, Mme Houle souhaite se faire entendre pour mettre en garde la population face aux obus qui se retrouvent en bordure des berges et sur les terrains privés des citoyens. «Ça a été très difficile et ce n’est jamais facile d’en reparler non plus, mais ce qui compte pour moi, c’est que les gens soient prudents. Il ne faudrait pas que ça arrive encore. J’espère que je réussirai à toucher suffisamment de personnes avec mon témoignage pour que les gens prennent conscience que c’est très dangereux et qu’ils agissent en connaissance de cause.»

François Gentes, le frère du défunt, était de ceux qui se trouvaient aux côtés de Pierre le soir du triste accident. Depuis septembre dernier, il a entendu à maintes reprises le son produit par la détonation de plus d’une trentaine d’obus, le fruit d’une opération menée sous la direction de Construction de Défense Canada. Et encore cet été, il n’a pu s’empêcher de frissonner à la reconnaissance de ce son qui l’a profondément marqué. «C’est certain que ça m’a donné des chocs incroyables quand j’en ai entendu exploser, raconte le frère du défunt, François Gentes. Je ne pourrai jamais oublier ce souvenir-là, que je le veuille ou non.»

Ce dernier a peine à croire qu’il y a encore de nos jours un nombre important d’obus présents dans le lac Saint-Pierre et ses environs. Il déplore l’état de la situation et s’inquiète de voir que les opérations déployées «avancent à pas de tortue». Les firmes spécialisées qui ratissent les lieux devraient augmenter leurs effectifs et leurs équipements, selon François Gentes. «Plus vite ils vont avoir détruit tous les obus, mieux tout le monde va être. Il y a un gros problème; il n’y en n’a pas que dans le lac, il y en a aussi sur les terrains privés. Ça n’a aucun sens.»

Insatisfaits

Joints par téléphone, tant le frère de la victime que celle qui a été son épouse pendant plusieurs années se sont dits choqués et insatisfaits des actions entreprises par le gouvernement fédéral. «Ils auraient dû commencer le travail bien avant et informer la population. On ne sait pratiquement rien sur ce que c’est qu’un obus et à quoi ça peut ressembler», indique François Gentes. Bien qu’ils soient tous deux conscients du danger présent, il n’en demeure pas moins qu’ils se sentent impuissants face à la situation. «Espérons juste qu’ils n’attendront pas qu’un autre malheur se produise avant de se réveiller», conclut Claudette Houle l’émotion dans la voix.