Abousfian Abdelrazik raconte sa détresse lorsqu’Ottawa lui a refusé un passeport

OTTAWA — Abousfian Abdelrazik a raconté mercredi au tribunal les montagnes russes d’émotions qu’il a vécues pendant les jours tendus du début de 2009, alors qu’il attendait le feu vert d’Ottawa pour enfin rentrer au Canada depuis le Soudan.

M. Abdelrazik, né au Soudan, s’est installé à Montréal d’abord en tant que réfugié, en 1990, puis il est devenu citoyen canadien en 1995.

Lors d’une visite dans son pays natal en 2003 pour visiter sa mère malade, il a été arrêté, emprisonné et interrogé par les autorités soudanaises sur ses liens présumés avec le terrorisme.

M. Abdelrazik, qui nie toute implication dans le terrorisme, soutient que, pendant deux périodes de détention, il a été torturé par les services de renseignements soudanais.

Le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) a envoyé des questions pour que M. Abdelrazik soit interrogé par des responsables soudanais. Des agents des services secrets canadiens se sont ensuite présentés en personne pour l’interroger pendant deux jours à la fin du mois d’octobre 2003.

Il poursuit maintenant le gouvernement fédéral, alléguant que des fonctionnaires ont organisé son emprisonnement arbitraire, encouragé sa détention par les autorités soudanaises et activement entravé son rapatriement au Canada, pendant plusieurs années.

La plainte vise également Lawrence Cannon, ministre conservateur des Affaires étrangères de 2008 à 2011.

Bien que déposée en 2009, l’affaire n’est entendue que maintenant devant la Cour fédérale après un long retard en raison de documents sensibles.

La deuxième libération de M. Abdelrazik de la détention soudanaise a eu lieu en juillet 2006. Cependant, son inscription sur une liste de surveillance de sécurité des Nations Unies a compliqué ses efforts pour retourner au Canada.

À la fin du mois d’avril 2008, M. Abdelrazik a cherché refuge à l’ambassade du Canada à Khartoum.

Il a affirmé au tribunal mercredi qu’il avait dormi dans les toilettes de l’ambassade et plus tard sur un lit de camp inconfortable dans la salle d’exercice.

M. Abdelrazik a déclaré qu’une médecin qui l’avait examiné à l’ambassade lui avait demandé s’il avait des cicatrices sur la poitrine dues aux sévices qu’il avait subis en détention au Soudan. Il a témoigné que, comme il ne connaissait pas la médecin, il ne lui avait pas dit comment il les avait obtenues.

En mars 2009, il avait pris des dispositions pour rentrer au Canada et il avait demandé à Ottawa de lui délivrer un passeport d’urgence. Toutefois, ses espoirs ont été anéantis au début du mois suivant, du moins temporairement, lorsque le ministre Cannon a refusé la demande de passeport juste avant le vol prévu.

M. Abdelrazik a témoigné au tribunal que c’était comme «une montagne qui lui tombait sur la tête», ce qui lui a causé une grande détresse.

Il est rentré au Canada à la fin du mois de juin 2009 après qu’un juge a estimé qu’Ottawa avait violé ses droits constitutionnels en refusant de lui délivrer le document de voyage d’urgence.

Il se souvient avoir été «plein de joie» en apprenant la décision du tribunal.

Le SCRS s’est intéressé pour la première fois à M. Abdelrazik en 1996 en raison de son association avec des personnes soupçonnées de constituer des menaces à la sécurité nationale, selon un exposé conjoint des faits dans l’affaire.

Un avocat fédéral a commencé à contre-interroger M. Abdelrazik mercredi, l’interrogeant sur son séjour à Montréal et indiquant que le SCRS l’écoutait.

M. Abdelrazik a démenti l’affirmation selon laquelle il aurait célébré les attentats terroristes du 11 septembre 2001 contre les États-Unis.

Le contre-interrogatoire devrait se poursuivre jeudi.