Laïcité: Les oppositions exigent la fin du financement des écoles religieuses

QUÉBEC — Alors que le cas de l’école Bedford, où des professeurs faisaient régner un climat de terreur, a ramené le débat sur la laïcité à l’avant-plan, les trois oppositions à Québec demandent la fin du financement des établissements scolaires religieux sur le territoire de la province. La Coalition avenir Québec (CAQ) refuse toutefois de s’engager dans cette voie.

En débat au Salon rouge mercredi, la députée libérale Marwah Rizqy a dit que la position de son parti venait de changer. «Nous sommes maintenant d’avis que nous devons cesser le financement des écoles religieuses au Québec», a-t-elle affirmé.

«On doit être garant de la laïcité dans nos écoles, qu’elles soient publiques ou privées. Nous, on doit être garant aussi du principe d’égalité hommes-femmes, et ce, peu importe les croyances religieuses», a poursuivi l’élue.

Selon la députée solidaire Ruba Ghazal, «si on veut être cohérent avec cette idée de la laïcité, on ne devrait financer aucune école privée confessionnelle avec de l’argent public».

Au Québec, une cinquantaine d’écoles religieuses reçoivent 160 millions $ par année d’argent public.

Plus tôt cette semaine, le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon, a dit que le cas de Bedford en était un «d’entrisme islamiste» et a fait une série de suggestions au gouvernement afin de renforcer la laïcité au Québec. Il a notamment demandé la fin des subventions aux écoles religieuses.

Paul St-Pierre Plamondon a ramené le sujet au Salon rouge mercredi en questionnant le premier ministre François Legault. Ce dernier a évité de répondre. Il a plutôt parlé du changement de position du chef péquiste sur la laïcité.

Ruba Ghazal a déposé une motion demandant au «gouvernement du Québec d’envisager de mettre fin au financement public des écoles privées confessionnelles», mais elle a été rejetée par la Coalition avenir Québec.

Dimanche, à l’émission «Tout le monde en parle», le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a dit que son gouvernement ne voulait pas mettre fin au financement des écoles religieuses, «pour le moment», mais n’a pas fermé la porte définitivement.

«Renforcer les contrôles et la laïcité»

Mardi, dans la foulée d’un rapport dévastateur sur l’école Bedford, François Legault a mandaté Bernard Drainville et le ministre de la Laïcité, Jean-François Roberge, «d’examiner toutes les options» pour «renforcer les contrôles et la laïcité dans les écoles».

La Loi sur la laïcité de l’État (surnommée loi 21), qui a été adoptée en 2019 par le gouvernement Legault, interdit notamment le port de signes religieux par les employés de l’État en position d’autorité comme les policiers, les juges et les enseignants.

Questionnée à savoir si la loi 21 pourrait s’appliquer aux garderies, la ministre de la Famille, Suzanne Roy, a dit: «On va laisser le comité travailler, mais je vous dis qu’actuellement, c’est bien régi par la loi des services de garde. Tout ce qui touche justement l’apprentissage, l’admission, etc., c’est bien régi.»

Le député caquiste de Montmorency, Jean-François Simard, a pour sa part affirmé que «la laïcité, c’est une question qui est évolutive». «Il n’y a rien de statique en politique, y compris la laïcité. On a fait un pas immense et puis on va s’ajuster», a-t-il ajouté.

Interrogé à savoir s’il craignait de nouvelles manifestations de racisme avec la résurgence de ce débat, le ministre de la Lutte contre le racisme, Christopher Skeete, a dit: «Le racisme et la laïcité, ce n’est pas relié. (…) Un État laïque doit combattre le racisme, mais ils ne sont pas reliés».

«Pratiques religieuses»

Le rapport sur l’école Bedford fait mention de «certaines pratiques religieuses, telles que des prières dans les salles de classe ou encore des ablutions dans les toilettes communes». On indique que, bien que «ces pratiques n’étaient majoritairement pas effectuées devant les élèves», la preuve analysée fait état de «deux événements où des élèves auraient été impliqués dans le cadre de pratiques religieuses».

On écrit également que «des témoins ont mentionné aux enquêteurs avoir constaté une forte influence du milieu communautaire sur plusieurs membres du personnel de l’école Bedford. Un certain nombre d’entre eux fréquenterait notamment un centre communautaire et une mosquée située dans le quartier».

Le rapport mentionne toutefois «que bien que le clan majoritaire soit surtout composé de personnes d’origine maghrébine, des personnes d’autres origines y sont aussi associées. Également, le clan minoritaire est lui aussi composé en partie d’individus d’origine maghrébine, incluant certaines des plus fortes oppositions au clan majoritaire».

On ajoute que «bien qu’il y ait effectivement présence de clans à l’école Bedford composés d’individus de différentes origines, les enquêteurs ont surtout observé une opposition entre des idéologies».

Le document fait aussi état de «lacunes dans l’enseignement de la communication orale, des sciences et de la technologie, de l’éthique et de la culture religieuse et de l’éducation à la sexualité».