Les gangs haïtiens multiplient les attaques en dehors de la capitale, dit l’ONU

Les gangs en Haïti ont intensifié leur violence et multiplié leurs opérations en dehors de la capitale, attaquant même de petits bateaux et kidnappant du personnel de compagnies de transport de marchandises, a indiqué mardi la haute responsable de l’Organisation des Nations unies (ONU) dans le pays.

La représentante spéciale Maria Isabel Salvador a déclaré au Conseil de sécurité de l’ONU que la situation s’était aggravée au cours des trois derniers mois, avec plus de 700 000 personnes déplacées dans le pays et le processus politique confronté à des «défis importants».

Elle a déclaré que les Haïtiens à travers le pays continuent de souffrir de l’escalade et de l’expansion des activités des gangs, «répandant la terreur et la peur, submergeant l’appareil de sécurité nationale» et aggravant une situation humanitaire «extrêmement désastreuse».

Les gangs attaquent également les petits bateaux transportant des Haïtiens de la capitale, Port-au-Prince, vers d’autres régions du pays, et ils ont kidnappé du personnel des compagnies internationales de fret, les obligeant à suspendre leurs services vers Haïti, a averti Mme Salvador.

Catherine Russell, directrice exécutive de l’agence des Nations unies pour l’enfance, l’UNICEF, a déclaré au conseil que la «situation catastrophique» des enfants d’Haïti, qu’elle avait signalée il y a six mois, s’était encore détériorée.

Elle a pointé que plus de 360 000 des personnes actuellement déplacées étaient des enfants.

«Les groupes armés commettent régulièrement de graves violations des droits des enfants, notamment des meurtres et des mutilations», a-t-elle expliqué. «Et jusqu’à présent, cette année, nous avons constaté une augmentation stupéfiante des cas signalés de violence sexuelle contre les femmes et les enfants, y compris la violence sexiste.»

Mme Russell a déclaré que les gangs recrutent également des enfants et les utilisent dans leurs opérations.

«Nous estimons que les enfants représentent 30 à 50 % des membres des groupes armés», a-t-elle précisé. «Ils sont utilisés comme informateurs, cuisiniers et esclaves sexuels, et ils sont contraints de perpétrer eux-mêmes des violences armées.»

Une force multinationale en manque d’effectifs

Le pouvoir des gangs en Haïti a augmenté depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en 2021, et on estime qu’ils contrôlent désormais jusqu’à 80 % de la capitale, Port-au-Prince.

La recrudescence des meurtres, des viols et des enlèvements a conduit à un soulèvement violent des groupes d’autodéfense civile.

Le Conseil de sécurité a voté le 30 septembre pour prolonger le mandat de la force multinationale dirigée par le Kenya, qui tente d’aider la police nationale d’Haïti à lutter contre la violence des gangs.

La force était censée compter 2500 policiers internationaux, mais Mme Salvador a révélé que seulement 430 environ étaient déployés, environ 400 du Kenya et le reste des Bahamas, du Belize et de la Jamaïque. Plus tôt ce mois-ci, le président kenyan, William Ruto, a déclaré qu’un autre contingent de 600 hommes serait envoyé en Haïti en novembre.

Maria Isabel Salvador, qui dirige la mission politique de l’ONU en Haïti, a déclaré que le fonds fiduciaire de l’ONU, qui finance la force multinationale et dépend des contributions volontaires, «reste gravement sous-financé, ce qui pourrait avoir un impact sur le déploiement et l’empêcher de mener à bien ses tâches en soutien à la police nationale haïtienne».

Sur le plan politique, Leslie Voltaire a prêté serment en tant que nouveau chef du conseil présidentiel de transition d’Haïti au début du mois, à la suite de graves allégations de corruption contre trois de ses membres.

Le conseil a été créé cette année après que des attaques ciblées de gangs ont forcé l’ancien premier ministre d’Haïti à démissionner, laissant le pays sans leader. Le conseil travaille aux côtés du nouveau premier ministre, Garry Conille, et est chargé d’aider à diriger le pays et d’organiser des élections générales d’ici février 2026.

Mme Salvador a informé le Conseil de sécurité que, malgré les avancées politiques initiales, les tensions entre le conseil et le gouvernement ont augmenté, créant une frustration croissante parmi les Haïtiens et érodant la confiance dans le processus politique actuel.

Elle a rappelé que la mission de l’ONU s’efforçait «de renforcer la collaboration au sein de l’exécutif bicéphale, en les exhortant à mettre de côté leurs différences et à se concentrer sur la lutte contre l’insécurité, les réformes de la gouvernance et les préparatifs électoraux».

Pendant ce temps, près de la moitié de la population n’a pas assez à manger et le contrôle des gangs sur les principales routes d’accès a gravement affecté la fourniture de l’aide humanitaire et des services essentiels, a souligné Mme Salvador.

«En conséquence, les prix ont augmenté et de nombreuses communautés sont au bord de l’effondrement en raison des pénuries alimentaires et de la violence continue, qui a rendu de vastes étendues de terres agricoles improductives», a-t-elle conclu.