Le dissident Alexeï Navalny pensait mourir en prison, selon ses mémoires

Des extraits d’un mémoire écrit par l’ancien leader de l’opposition russe Alexeï Navalny ont révélé qu’il pensait qu’il mourrait en prison.

Le magazine New Yorker a publié ces extraits vendredi en prévision de la sortie de «Patriot» le 22 octobre.

La version française «Patriote» sera disponible le 25 octobre.

M. Navalny était l’ennemi le plus féroce et le plus important du président Vladimir Poutine et a mené une campagne sans relâche contre la corruption officielle en Russie. Il est décédé dans une prison isolée de l’Arctique en février alors qu’il purgeait une peine de 19 ans pour plusieurs chefs d’accusation, notamment celui de diriger un groupe extrémiste, qui, selon lui, étaient motivés par des raisons politiques.

Il a été emprisonné après son retour en 2021 d’Allemagne où il se remettait d’un empoisonnement à un agent neurotoxique qu’il imputait au Kremlin, et a été condamné à trois peines de prison depuis. Les responsables russes ont nié avec véhémence toute implication dans l’empoisonnement et dans sa mort.

«Patriote» a été annoncé en avril par l’éditeur Alfred A. Knopf qui l’a qualifié de «dernière lettre au monde» du défunt politicien.

Selon M. Knopf, Navalny a commencé à travailler sur le livre alors qu’il se remettait de l’empoisonnement et a continué à l’écrire en Russie, à la fois en prison et hors de prison.

En détaillant ses stratégies d’adaptation pendant sa détention, Navalny a déclaré qu’il «imaginerait, de la manière la plus réaliste possible, la pire chose qui puisse arriver. Et puis (il) l’accepterait.»

«Je passerai le reste de ma vie en prison et mourrai ici», a-t-il écrit le 22 mars 2022.

«Il n’y aura personne à qui dire au revoir (…) Tous les anniversaires seront célébrés sans moi. Je ne verrai jamais mes petits-enfants.»

Bien qu’il ait accepté ce sort, les mémoires de Navalny expriment une position résolue contre la corruption officielle en Russie.

«Mon approche face à la situation n’est certainement pas celle d’une passivité contemplative. Je m’efforce de faire tout ce que je peux depuis ici pour mettre fin à l’autoritarisme (ou, plus modestement, pour contribuer à y mettre fin)», a-t-il écrit, également le 22 mars 2022.

Dans un extrait publié, daté du 17 janvier 2024, un mois avant sa mort, Navalny répond à la question posée par ses codétenus et les gardiens de prison : «Pourquoi êtes-vous revenu ?»

«Je ne veux pas abandonner mon pays ni le trahir. Si vos convictions signifient quelque chose, vous devez être prêt à les défendre et à faire des sacrifices si nécessaire», a-t-il écrit.

En plus de capturer l’isolement et les défis de son emprisonnement, l’écriture de Navalny se distingue également par son humour. Le défunt dissident raconte un pari avec ses avocats sur la durée d’une nouvelle peine de prison: «Olga avait estimé qu’il y en aurait entre onze et quinze. Vadim a surpris tout le monde avec sa prédiction de douze ans et six mois précisément. J’ai estimé qu’il y en aurait sept à huit et j’ai gagné.»

Il s’est également émerveillé de l’absurdité d’être obligé de s’asseoir pendant «des heures sur un banc en bois sous un portrait de Poutine» dans le cadre d’une «activité disciplinaire».

La veuve de Navalny, Ioulia Navalnaïa, a déclaré dans un communiqué publié en avril par l’éditeur que le livre était non seulement un témoignage «de la vie d’Alexeï, mais aussi de son engagement indéfectible dans la lutte contre la dictature», ajoutant que partager son histoire «inspirerait les autres à défendre ce qui est juste et à ne jamais perdre de vue les valeurs qui comptent vraiment».

Elle a ajouté que les mémoires étaient déjà traduites en 11 langues et seraient «certainement» publiées en russe.