Plus de la moitié des enfants de maternelle au Québec surexposés aux écrans
QUÉBEC — Plus de la moitié des enfants de cinq ans passent une heure ou plus par jour devant un écran, souligne l’Observatoire des tout-petits dans un rapport publié mercredi.
«Alors que les outils technologiques évoluent à grande vitesse et que leur empreinte dans notre quotidien augmente, il est temps que nous ayons une conversation sur le rôle qu’ils jouent dans la vie de nos tout-petits», écrit sa directrice Julie Cailliau.
Le rapport de l’observatoire consiste en une revue des écrits scientifiques existants.
On y cite entre autres l’Enquête québécoise sur le parcours préscolaire des enfants de maternelle 2022, qui a trouvé que 52 % des enfants de maternelle cinq ans passaient une heure ou plus par jour devant un écran.
Rappelons que la Société canadienne de pédiatrie recommande de limiter à une heure ou moins le temps passé devant un écran pour les enfants de deux à cinq ans; chez les moins de deux ans, toute exposition devrait être évitée.
Interrogé à ce sujet mercredi, le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, a ajouté qu’idéalement, pour les enfants de deux à cinq ans, l’heure passée devant un écran serait «interactive».
«Ce qui nous inquiète, c’est qu’on leur donne du temps d’écran comme récompense, ou tout seul dans leur coin. Il faut que l’heure soit interactive, avec un parent ou un but éducatif. C’est ça qui doit être fait», a-t-il déclaré.
Les tout-petits sont en présence d’écrans non seulement à la maison, mais aussi chez les grands-parents, dans les espaces publics, au service de garde ou à la maternelle.
En 2023, près de 70 % des écoles publiques du Québec avaient intégré le numérique à la maternelle, selon l’observatoire, qui signale qu’«au fil de la journée, le temps d’écran s’accumule sans qu’il soit toujours possible d’en faire le décompte complet».
Une grande utilisation des écrans nuirait à la capacité des tout-petits à se concentrer, à être attentifs et à s’auto-réguler, en plus de nuire à leur développement socioaffectif, physique, neurologique, cognitif et langagier, et d’affecter leur vision et leur sommeil.
À l’heure actuelle, le ministère de l’Éducation n’émet pas de directive ou recommandation sur l’utilisation des écrans en contexte scolaire.
La Stratégie québécoise sur l’utilisation des écrans et la santé des jeunes 2022-2025 du ministère de la Santé et des Services sociaux précise toutefois que les milieux éducatifs doivent «éviter d’utiliser les écrans comme récompenses ou pendant (…) la collation».
De son côté, le règlement sur les services de garde éducatifs à l’enfance du ministère de la Famille indique que l’utilisation des écrans doit être sporadique, ne pas excéder 30 minutes par jour et être intégrée au programme éducatif.
Mais aucune donnée sur le temps d’écran des enfants en services de garde éducatifs, le contexte d’utilisation et les contenus visionnés n’a été collectée à ce jour, a constaté l’Observatoire des tout-petits.
L’organisme rappelle que la petite enfance est un moment charnière, et que rien n’est mieux pour le développement des tout-petits que les interactions, dans le monde réel, avec leur entourage et leur environnement.
Il s’inquiète en outre que l’environnement numérique dans lequel baignent les enfants compromette leur droit de grandir dans un environnement «sain et sécuritaire»: des applications gratuites et très populaires les initieraient à l’univers des jeux de hasard et d’argent.
Selon un sondage Léger réalisé en mai dernier, 49 % des parents ignorent que les tout-petits peuvent être exposés à des mécanismes qui ressemblent à ceux que l’on retrouve dans les appareils de loterie vidéo lorsqu’ils jouent à des jeux en ligne gratuits.
Par ailleurs, parmi les parents d’enfants de cinq ans ou moins, 51 % trouvent qu’ils utilisent trop leur cellulaire lorsqu’ils passent du temps avec leur enfant, selon l’Enquête québécoise sur la parentalité 2022.
À la lumière de ces constats, l’Observatoire des tout-petits plaide en faveur du «principe de précaution». L’organisme présentera un mémoire à la commission spéciale chargée d’étudier les effets des écrans sur les jeunes le 26 septembre prochain.