Un Nicolétain en voie de révolutionner les tests diagnostiques

NICOLET. Et s’il était possible de détecter en quelques minutes la présence de bactéries nocives chez un être vivant, dans l’eau, dans les aliments et partout ailleurs où elles sont susceptibles de causer des ennuis de santé? C’est le défi qu’est en voie de relever le Nicolétain Jérémie Guilbert avec son partenaire d’affaires de Québec, Louis-Philippe Dallaire, au sein de DéteXion.

Les deux doctorants en physique sont à mettre au point des capteurs qui faciliteront l’accès à des tests diagnostiques à toutes sortes de professionnels. « Notre vision ultime, c’est d’offrir un genre de catalogue de tests rapides, un peu comme ceux de la COVID-19, pour plein d’industries différentes », résume Jérémie Guilbert. Car des pathogènes (bactéries, virus), il y en a partout : « En médecine humaine, dans l’agroalimentaire, dans la santé animale, dans la sécurité de l’eau… », nomme-t-il, à titre d’exemples. « On veut avoir des applications dans tous ces champs-là. »

Évidemment, le duo compte y parvenir un pas à la fois. « La première industrie qu’on veut aider avec nos capteurs, c’est l’industrie vétérinaire. Ce sera un bon terrain de validation de notre technologie avant la médecine humaine », mentionne M. Guilbert.

Ainsi, le prototype qui sera prêt vers l’automne 2024 permettra de détecter les infections chez la vache laitière. « Les vaches laitières développent souvent des infections du pi qui nuisent à la production du lait, comme la mammite. Mais à l’heure actuelle, tu ne peux pas connaître la cause de l’infection avant 2 ou 3 jours, même plus, le temps d’avoir les résultats du laboratoire, un peu comme dans l’industrie de la santé humaine. »

Jérémie Guilbert explique que la situation est problématique à deux niveaux. D’abord, parce que le vétérinaire donnera souvent un traitement à l’aveugle pour tenter de soulager rapidement l’animal en attendant les résultats, ce qui peut contribuer à long terme au phénomène de résistance aux antibiotiques. Ensuite, étant donné le délai et la procédure peu pratiques, plusieurs choisissent tout simplement de ne pas faire de tests. 

« Pourtant, on sait que tester davantage, c’est l’une des meilleures façons de mieux contrôler les maladies dans la ferme et donc, d’avoir un meilleur rendement de lait. Avec notre technologie, on veut permettre aux vétérinaires de faire davantage de tests dans les fermes laitières pour que, ultimement, les vaches soient en meilleure santé et les fermes plus rentables. » 

La technologie de DéteXion, sur laquelle le duo travaille depuis l’automne 2021, est simple d’utilisation. Elle est constituée d’un lecteur dans lequel le professionnel insérera une cartouche dotée de micro-senseurs invisibles à l’œil nu contenant l’échantillon à tester (par exemple, le lait de la vache). Puis, il démarrera l’analyse en appuyant tout simplement sur un bouton. De 15 à 30 minutes plus tard, il obtiendra le résultat.

« Nos micro-senseurs ont la propriété d’être fluorescents, c’est-à-dire qu’ils brillent et émettent de la lumière. Quand des bactéries se lient à eux, un changement se produit. L’appareillage qu’on a développé (un système d’optique et d’électronique) vient mesurer la lumière émise par nos micro-senseurs. Puis, à l’aide d’une méthode d’analyse de données qui est sous brevet à l’Université Laval, on est capable de déterminer quelle bactérie s’est liée à nos micro-senseurs », vulgarise M. Guilbert.

Louis-Philippe Dallaire a travaillé au développement de cette méthode d’analyse de données dans le cadre de ses travaux de recherche à l’Université Laval. Il s’est associé à Jérémie Guilbert en 2021 avec la volonté de la rendre accessible au plus grand nombre par le biais de DéteXion. « Je pense que c’est quelque chose d’hyper important que les scientifiques eux-mêmes essaient d’amener leur technologie sur le terrain, de les adapter au monde réel et de les rendre utiles à la société », indique Jérémie Guilbert.

Depuis 2021, la recherche s’est poursuivie et le duo a développé l’ingénierie de l’appareillage et tout le savoir-faire autour, petit à petit. Les cofondateurs de DéteXion sont maintenant rendus à la toute fin de la phase de prototypage de leur système et sont en train de négocier une licence d’exploitation mondiale du brevet avec l’Université Laval.

Ils visent à ce que leur prototype soit fonctionnel en octobre, moment où ils comptent réaliser leurs premières démonstrations (tests de lait). Ensuite, ils mettront en place des projets pilotes, notamment dans des fermes du Centre-du-Québec, en partenariat avec des cliniques vétérinaires. Ce sont ces dernières qui utiliseront la technologie sur le terrain, pour vérifier qu’elle fonctionne bien.

Si les projets pilotes sont un succès, une première version de la technologie de DéteXion pourrait être commercialisée en 2026.

Jérémie Guilbert et Louis-Philippe Dallaire ont grande confiance en leur technologie. Ils semblent d’ailleurs avoir le vent dans le dos, à voir la vitesse avec laquelle leur entreprise croît. « Il y a un an, on n’était que deux dans l’équipe. Aujourd’hui, on est rendu sept! », se réjouit M. Guilbert.

Il reste à voir si les professionnels adopteront l’outil que DéteXion proposera. « C’est notre plus gros défi, mais on pense qu’on est sur une bonne lancée », termine Jérémie Guilbert.

Si tout va bien, la prochaine étape, après le domaine animal, sera de tenter de faire sa place dans le domaine de la santé humaine.