Un chemin tracé vers la carrière de pompier

DESCHAILLONS.  Le papa de Martin, Jean et Guy Lemieux était chef pompier à la caserne de Leclercville, dessinant ainsi un chemin tout naturel pour les trois frères qui rêvaient de combattre le feu. À tour de rôle, le matin de leurs 18 ans, ils sont débarqués à la caserne pour devenir pompiers volontaires.

Aujourd’hui, Martin, le plus jeune des frères, est pompier à la caserne de Lotbinière-Leclercville, Jean est lieutenant à la même caserne que son cadet, alors que Guy, l’ainé, est directeur du Service de sécurité incendie régional de la MRC de Bécancour depuis janvier dernier. Les casernes où ils sont en poste travaillent régulièrement en étroite collaboration. « Pompier, c’est une maladie héréditaire! », lance Guy avec humour.

« À l’époque, le 9-1-1, c’était le téléphone chez mes parents. Il y avait une chaine téléphonique, alors ça pouvait sonner en pleine nuit, et on voyait partir notre père pour aller aider les autres et revenir avec un sentiment de fierté et d’accomplissement, se rappelle Guy. On a toujours trainé dans cette sphère en étant gamin et les pompiers, c’est une grande famille dans laquelle on a toujours été accepté », poursuit-il. « On a grandi avec les pompiers de notre secteur. On attendait juste que les 18 ans sonnent! », enchaine Jean.

« J’ai toujours voulu être pompier dans la vie, mais on m’a découragé, car c’était contingenté. Alors je me suis perdu dans le cégep et j’ai fini avec un DEP en charpenterie-menuiserie », raconte Guy Lemieux. Il a donc travaillé sur la construction jusqu’en 2016, dont une dizaine d’années dans la même entreprise que ses deux frères! C’est à ce moment qu’il a fait le saut en retournant au cégep pour devenir préventionniste incendie. « Il ne faut pas abandonner ses rêves!, lance-t-il. À 42 ans, j’ai réussi à devenir pompier à temps plein, presque 30 ans après! »

Jean est devenu mécanicien de formation, avant de se diriger vers la construction avec ses frères, domaine dans lequel il œuvre toujours. Finalement, Martin est quant à lui devenu cuisinier de formation, avant de faire un peu de boucherie et de rénovation.

« Ce n’est pas tout le temps évident, car je suis en famille reconstituée! On est six enfants, j’ai eu des triplets, alors on essaie de coincer tout ça là-dedans! Mais la passion, c’est la passion, alors on trouve du temps », témoigne Martin.

« Un de nos amis disait : Quand tu vois un des Lemieux, d’habitude les deux autres ne sont pas loin!, mentionne Guy, alors que ses deux frères acquiescent. On passait nos semaines et nos fins de semaine ensemble. On a fait de la compétition de pompiers ensemble, on jouait à la balle dans la même équipe, on fait nos voyages de pêche ensemble avec des amis communs. On est soudé! », poursuit-il.

Et la tradition se poursuit. Alors que deux des enfants de Martin sont fortement attirés par la profession, c’est déjà chose faite du côté de Guy, car Laurent et Charles, deux de ses garçons, sont déjà à la caserne de Deschaillons à ses côtés. Le matin de ses 16 ans, Charles n’a pas hésité un seul instant et est devenu apprenti-pompier. « Il y a quatre casiers ici avec l’inscription Lemieux, c’est l’fun! », souligne Guy.

« Ce n’est pas toujours jojo, un incendie »

Même si Martin, Jean et Guy n’ont jamais connu de fin tragique dans le cadre de leur carrière de pompier, quelques événements sont venus marquer leurs parcours, dont l’incendie majeur d’un duplex et d’un triplex à Deschaillons, où ils étaient tous trois présents.

« Tu as toujours une pensée quand tu rentres au feu avec quelqu’un qui est proche de toi, mais jusqu’à maintenant, ça va tout le temps bien! », estime Jean. Même si les pompiers sont comme une famille, rien ne pourra remplacer le fort lien de sang qui unit les Lemieux. « Même en construction, on se faisait dire que c’était bizarre parce qu’on n’avait pas besoin de se parler pour se comprendre! », révèle Martin. « Sur un incendie, on rentre toujours en équipe, alors si tu me donnes le choix de rentrer avec un de ces deux-là, je vais le faire. Les communications sont difficiles avec l’appareil respiratoire, mais entre nous, c’est facile », ajoute Jean. « On connait nos forces et nos faiblesses », renchérit Guy.

Cependant, leur travail, « ce n’est pas toujours jojo ». « C’est souvent des gens qu’on connait, parce qu’on vit dans de petits milieux, ce qui fait que c’est souvent un métier de résilience incroyable. Il faut donc féliciter les pompiers volontaires qui font ça dans leur propre village », souligne Guy, avec le souvenir de l’accident de son frère qui remonte à son esprit. Un matin de Saint-Jean-Baptiste, Martin revenait de Trois-Rivières avec des amis, mais le conducteur désigné s’est endormi au volant. « On arrive avec le camion, parce qu’on est premier répondant médical. J’ai reconnu le véhicule dans le fossé à la sortie du village de Deschaillons. Je vais toujours me rappeler de l’image, parce qu’un de mes amis avait froid, et il se réchauffait sous la couverture jaune de la SQ qui sert pour les cadavres. Le cœur m’a arrêté là. Ça a pris du temps avant de s’en remettre. »

Guy a aussi répondu à un autre appel marquant pour la famille en 2018, alors que la conjointe de Martin était victime du feu. « C’est une grande brulée. Elle s’est brulée avec du gaz à fondue, mentionne Martin. Depuis cet événement, j’ai tout de suite senti l’esprit d’équipe et on a eu un gros soutien de tout le monde. » Depuis, la motivation chez les pompiers de la région a été décuplée lors des collectes de fonds pour la Fondation des pompiers pour les grands brulés : des marches, des soirées de danse, etc.

Toutefois, le quotidien de ces pompiers est principalement marqué de beaux moments, notamment si on pense à leur victoire à la compétition provinciale des pompiers en 2008. « De l’avoir remportée avec ces deux-là et les chums qu’on avait, ça ne s’oubliera jamais!, mentionne Martin. Ça faisait sept ans qu’on participait à cette compétition, alors de la remporter, ça a été tout un sentiment! »

Rappelons également qu’une bonne année pour le pompier, c’est une année sans feu! Il ne faut donc pas prendre à la légère l’aspect de prévention dans leurs tâches. Les pompiers visitent les maisons, s’assurent que les issues de secours sont dégagées, que les extincteurs et les détecteurs de fumée sont fonctionnels. « On est là pour la population avant tout. C’est notre plaisir d’aller rencontrer les gens et d’expliquer notre métier », mentionne Guy. La preuve avec tout ce qu’accomplissent Martin, Jean, Guy et tous les collègues qu’il ne s’agit pas que d’entrer dans un bâtiment en feu pour sauver des vies.

« C’est le plus beau métier du monde. Oui, ce sont des sacrifices, mais le visage des gens quand on réussit à faire une belle intervention, c’est gratifiant. »

 

De préventionniste à directeur

Après environ 8 ans à œuvrer en tant que préventionniste, Guy Lemieux a accepté le poste de directeur du Service de sécurité incendie régional de la MRC de Bécancour en janvier dernier. Après le départ de l’ancien directeur, le moral était bas dans l’équipe. « J’avais l’impression qu’il fallait que je le fasse pour l’équipe, révèle le directeur. C’était un beau défi en partant, et j’avais l’espoir de sauver l’esprit d’équipe qu’on avait bâti dans les dernières années. C’était un métier de rêve pour moi, préventionniste, et je voyais le titre de directeur plus loin dans ma carrière, révèle-t-il. Mais l’opportunité était là et je devais la saisir. »