Vers un parc carbonégatif à Bécancour?

BÉCANCOUR.  L’entreprise Deep Sky tenait une séance d’informations ce lundi à Bécancour pour expliquer sa présence dans le secteur, car ses activités intrigantes nécessitent des droits de passage sur des terrains privés. Le but de ses activités? Retirer le carbone dans l’atmosphère pour le stocker de façon permanente sous la terre.

Ainsi, Deep Sky souhaite non seulement ralentir le réchauffement de la planète, mais aussi l’inverser. Cependant, avant d’en arriver à l’enfouissement, l’équipe de Deep Sky devra procéder à une étude géologique et Bécancour serait toute désignée pour l’enfouissement du carbone. Bécancour a été ciblée comme ayant un haut potentiel à cause de sa géologie et de ses nombreux émetteurs industriels. « Entre Sorel-Tracy et Lotbinière, il y a toute une série de zones qui sont géologiquement propices à capter le CO2 », révèle Frédéric Lalonde, cofondateur de Deep Sky.

Menée en collaboration avec des chercheurs de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), cette étude servira à obtenir un portrait complet et 3D du sous-sol, incluant la porosité du sol, les contraintes géologiques et la minéralogie, afin de confirmer l’hypothèse que Bécancour est le lieu au Québec avec le plus de potentiel pour l’injection dans les aquifères salins. « Une espèce de Google Maps du sous-sol », illustre M. Lalonde.

Cette méthode s’apparente à une simple radiographie du sol, réalisée à partir d’ondes sonores envoyées dans le sous-sol pour créer des images grâce à de légères vibrations détectées par de petits capteurs, appelé géophones, insérés à 1,5 mètre de profondeur. Il ne s’agit que d’une image sonore qui n’implique aucun forage ou déboisement.

Cette initiative, une première au Québec, permettra d’évaluer plus précisément le potentiel de stockage de CO2 de la zone étudiée et en alimentant des projets de doctorat dans le domaine des géosciences.

L’endroit visé par l’étude géologique est une zone de 42,6 km2 située au croisement du boulevard du Parc-Industriel et de l’emprise d’Hydro-Québec. Cette étude de faisabilité se déroulera à l’été 2024, alors que l’enfouissement pourrait débuter un an plus tard, à l’été 2025.

Afin de réaliser l’étude, Deep Sky doit obtenir l’autorisation des propriétaires des terrains concernés par la zone à cartographier. Dans la zone d’intérêt, on retrouve environ 400 terrains, mais l’autorisation d’une trentaine de propriétaires situés à des endroits stratégiques devraient être suffisante. Déjà une dizaine d’autorisations ont été données.

Injection du CO2 dans le sous-sol bécancourois

Deep Sky est une entreprise d’élimination du CO2 qui existe depuis septembre 2022. « On est un développeur de projet qui vise à retirer de l’air et des océans du CO2 à grande échelle, puis à aller le stocker dans le sous-sol », explique Geneviève Elie, directrice finances et ressources humaines chez Deep Sky.

Elle peut capter le CO2 dans l’air ou directement à la source, sur les cheminées des entreprises émettrices de CO2. « Quand on se met sur la cheminée, il y a 15 à 26 % de CO2 en proportion. Quand on le prend dans l’air, il y a 426 parties de CO2 par million. Le CO2 est donc très diffus », explique Mme Elie.

Après avoir capté le CO2, il sera injecté dans le sol, dans des aquifères salins, c’est-à-dire des poches d’eau salée situées entre 2,3 et 4 kilomètres sous terre. « Beaucoup plus bas que la nappe phréatique », précise Mme Élie. « L’injection du CO2 dans les aquifères salins, ça se fait de façon sécuritaire depuis les années 70 », ajoute Frédéric Lalonde. Le CO2 injecté se disperse alors dans les aquifères salins avant de se dissiper dans la roche, un peu comme de la fumée se dissipe dans l’atmosphère.

« La région de Bécancour va émettre à peu près 1,5 million de tonnes de CO2 par année. On a des industries qui ont été faites bien avant la conscientisation aux changements climatiques, comme les alumineries, qui sont des employeurs très importants dans le coin. C’est donc une chose de faire la transition énergétique, d’avoir des nouvelles industries qui s’installent, mais si on continue d’émettre 1,5 million de tonnes chaque année, on a encore un problème », croit M. Lalonde.

« On veut être capable d’offrir aux nouvelles industries qui s’installent dans la Vallée de la transition énergétique une option où ils n’émettront pas de CO2. Si vous demandez à un fabricant de batteries où il veut s’installer, il veut s’installer où l’énergie est disponible, où l’énergie est propre, mais aussi où sa batterie va avoir la plus petite empreinte de CO2 possible, poursuit le cofondateur de Deep Sky. Bécancour pourrait devenir un des premiers parcs industriels carbonégatifs. »

Deep Sky pourra ensuite vendre les crédits carbone sur le marché volontaire du carbone.

À noter que le gouvernement du Québec est un des actionnaires de Deep Sky; 75 millions de dollars ont été investis.