Aller à la rencontre de l’autre
ODANAK. Ota Ici Ute est une exposition collective de Jacques Newashish, artiste pluridisciplinaire atikamekw, Christine Berthiaume, photographe québécoise, et Maya Cousineau-Mollen, poète innue, qui souligne l’humanité et la coopération entre autochtone et allochtone. L’exposition est présentée au Musée des Abénakis d’Odanak jusqu’au 17 mars 2024.
L’exposition se déploie ainsi sous forme de triptyque en mettant en espace des peintures, photographies et poèmes. Le trio d’artistes s’est inspiré dans leurs œuvres respectives des rencontres effectuées auprès de personnalités publiques autochtones et québécoises. Ces rencontres qui prenaient place aux quatre coins de la province menaient à des discussions informelles qui insufflaient finalement les créations photographiques, artistiques et littéraires.
Jacques Newashish raconte à ce propos comment les discussions furent enrichissantes: «Les rencontres m’ont nourri énormément. Ce qu’on retrouve là-dedans, c’est vraiment notre rencontre avec ces personnes ».
Le trio est ainsi allé à la rencontre d’Armand Vaillancourt, Kathia Rock, Florent Vollant, Gilles Vigneault, Christine Beaulieu, Richard Desjardins, Nicole O’Bomsawin, Richard Séguin, Soleil Launière, Roy Dupuis, Ghislain Picard et Joséphine Bacon.
« Moi, chaque fois que je sortais de l’auto, le cœur voulait m’exploser. Après, ça tombait cette affaire-là, mais c’est impossible de ne pas être impressionnée », témoigne Christine Berthiaume. Les trois artistes sont parvenus à créer des liens fraternels avec chaque personne rencontrée.
Le choix des personnalités rencontrées reposait essentiellement sur l’engagement, l’humilité et l’ouverture dont ils font preuve dans leur carrière et leur quotidien. « Ce sont des êtres humains, des artistes, des politiciens et autres qui sont engagés! Et humbles aussi, une grande humilité. Moi, c’est ce qui vient me chercher de ces grands artistes. À un moment donné, quand tu fais le portrait de quelqu’un, il y a une sorte de filtre qui se met selon la perception que tu as de ces grands personnages, mais finalement, tu te retrouves devant un être humain comme toi. Puis, c’est ça que tu veux voir », souligne Christine Berthiaume.
Jacques Newashish mentionne que chaque artiste contacté n’a pas hésité à embarquer dans leur proposition. « Ils étaient tous emballés du projet. On parle beaucoup de ce sujet-là, ces temps-ci : la réconciliation, mais le processus de réconciliation était présent depuis longtemps pour ces personnes-là ». Christine Berthiaume poursuit en relevant: « Richard Desjardins, lui, ce qu’il a dit, c’est que ça le fait rire le mot réconciliation parce que pour qu’il y ait réconciliation, il faut qu’il y ait rencontre, puis il n’y en a pas, de rencontre ». Ce à quoi Maya Cousineau-Mollen ajoute: « J’ai de la misère avec le terme réconciliation parce qu’il faut que les deux parties aient fait quelque chose de mal. Je me suis toujours demandé ce que les Premières nations avaient fait de mal. Donc moi, je parle plus d’un processus de collaboration ».
« C’est pour ça qu’on l’a appelée Ota Ici Ute. C’est ici, au Québec, sur le territoire qui s’est passé des choses, qui se passent encore des choses. Il faut juste avoir une ouverture », affirme Jacques Newashish.
Cette exposition correspond au premier volet imaginé par les trois artistes. En effet, le trio souhaite faire voyager Ota Ici Ute et rêve également de faire croitre le projet avec d’autres rencontres.
La prémisse
L’origine du projet a vu le jour il y a trois ans, alors que Christine Berthiaume rencontrait Jacques Newashish dans le but de faire son portrait. « J’avais vu Jacques dans un spectacle pour lequel je faisais des photos qui s’appelait À pleine voile à la Cité de l’énergie. Puis, je n’avais aucune idée c’était qui, Jacques Newashish », raconte la photographe.
Elle poursuit: « Je le voyais avec son tambour et tout ça, et je me disais »my god, il faut que je fasse un portrait de ce gars-là ». Finalement, je communique avec lui. On s’en va sur le lac à la Tortue en plein hiver, puis ça a donné cette photo de Jacques avec la main dans le visage ».
En discutant, les deux artistes ont rapidement développé une connivence artistique et intellectuelle, les menant à réfléchir au concept de l’exposition présente.
« Je disais à Jacques que j’aimerais faire un projet qui unit les cultures, puis Jacques m’a dit »oui, let’s go, on le fait ». Donc on a rencontré les gens de la Coop Nitaskinan, puis on trouvait qu’il manquait quelque chose. Alors c’est là qu’on a joint la poésie de Maya ».
C’est ainsi que le projet fut ultimement mené à trois. Trois médiums artistiques, trois humains et trois histoires qui se côtoient de manière à livrer un message rempli d’humanité. La cause autochtone étant au centre de leur propos, l’exposition invite finalement à aller à la rencontre de l’autre.