Une famille de retour après un périple d’un an en voilier
DESCHAILLONS-SUR-SAINT-LAURENT. C’est à bord du Parbleu, un voilier Landfall de 38 pieds, que les six membres de la famille sont rentrés au bercail après une aventure peu commune. Émile Cantin, Johannie Riendeau et leurs enfants Florence (13 ans), Marie-Anne (11 ans), Béatrice (9 ans) et Madeleine (5 ans) ont vécu et navigué sur leur bateau pendant un an.
Quand on leur demande ce qui leur a le plus manqué, Johannie parle de « la simplicité de la vie à la maison. » Pour Émile, c’est l’aspect d’économie de ressources. « Ne pas avoir à se soucier constamment de la consommation d’électricité, d’eau, de batteries. Ne pas avoir à marcher plusieurs kilomètres pour faire du lavage. » Johannie raconte aussi qu’elle avait hâte de se mettre les mains dans la terre. « Jouer dans le jardin ça m’avait manqué, ça m’a fait vraiment du bien. »
Le retour à la maison après une année en mer s’avère un véritable tourbillon. « C’est toujours aussi agréable de revenir à la maison, mais un peu étourdissant, on essaie de voir tout le monde, confie Johannie. La première semaine il y avait une espèce d’euphorie. »
Chaque membre de la famille a apprécié son expérience et en rentre rassasié. Un sentiment d’accomplissement les anime, d’autant plus que le voyage de retour s’est avéré assez ardu et plus long que prévu. Les conditions météorologiques ont été leur principal obstacle, même si quelques bris sur le moteur ont aussi ralenti la fin de leur expédition.
Émile avoue même: « Il y a eu des tentations de vendre le bateau et de revenir en avion. On a eu un bris sur le moteur, une réparation que j’ai pu faire, mais ça affecte un peu le moral quand ça arrive en même temps que la météo. »
La petite famille a quitté les Bahamas le 23 mars. Le couple raconte avoir mis beaucoup de temps à attendre soit une opportunité côté météo soit des pièces pour les réparations. Dans tous les cas, deux jours d’attente pouvaient se transformer en une semaine passée immobilisés.
Un trajet ambitieux
Le périple de la famille Cantin-Riendeau s’est amorcé en juillet 2022. Le Parbleu s’est d’abord dirigé vers les Îles-de-la-Madeleine et la Nouvelle-Écosse, des régions que tous les membres de la famille souhaitaient visiter. Un périple qui a duré presque deux mois.
Comme pendant le reste du voyage, les parents et leurs quatre filles s’arrêtaient afin de découvrir les lieux par lesquels ils passaient. Le papa explique qu’on a ancré souvent le bateau. « Les nuits qu’on a passées à naviguer, il y en a 15 ou 20 où on était en mer, sinon on était à l’ancre quelque part. On mettait le pied à terre presque tous les jours pour faire bouger les enfants. »
Ils ont ensuite quitté Port La Tour pour une longue traversée en mer de 243 milles nautiques, l’équivalent de 450 km, pour se diriger vers Gloucester dans l’état du Massachusetts. Ils en ont profité pour voir cette partie des États-Unis.
Les quatre filles du couple ont souvent navigué, mais elles ont vécu différemment leur expérience. L’aînée, Florence, a déjà hâte de retourner sur le voilier. « Elle a participé à plus de manœuvres qu’on aurait pensé », dit sa mère. Marie-Anne s’est beaucoup ennuyée de ses amis mais comme sa sœur Béatrice, elle s’en est fait beaucoup en cours de route. Pour la cadette, Madeleine, le plus difficile était de ne pas parler français. « Elle comprenait beaucoup l’anglais, elle est devenue très bonne », mentionne Johannie.
Comment organise-t-on l’année scolaire? Pour Johannie, qui faisait déjà l’école à la maison depuis plusieurs années, « ce n’était vraiment pas un gros défi. On faisait énormément d’activités de musées, il y avait tellement de situations d’apprentissages. Pour la science, on avait acheté un guide d’identification des poissons. Chaque fois qu’on allait plonger, les filles prenaient des photos, retenaient ce qu’elles avaient vu, les identifiaient. On a visité presque toutes les bibliothèques des endroits où on passait quelques jours. »
Le Bye bye au milieu de l’océan
Partir en voilier toute une année c’est renoncer aux célébrations familiales comme Noël et les anniversaires des grands-parents, par exemple. Heureusement, la technologie permet les appels vidéo pour garder contact avec les proches. D’autant plus qu’Émilie, qui travaille déjà à distance comme développeur web depuis de nombreuses années, se devait d’avoir une connexion internet fiable par satellite.
« À notre âge, si on veut se payer un voyage, j’ai travaillé tout le long du trajet, 30 heures par semaine. J’ai juste transporté mon bureau sur le bateau et j’ai diminué mon nombre d’heures. Ça me prenait un accès internet solide qui a fonctionné même à des endroits ou le cellulaire n’entrait pas. Pour garder le lien, c’était relativement facile. »
Johannie ajoute: « Ça nous a permis de rester à des endroits plus sauvages pas mal plus longtemps. Les filles c’était unanime, préféraient les endroits plus sauvages plutôt que les grandes villes. »
Tous les membres de la famille conservent un très bon souvenir de l’Halloween alors qu’ils se trouvaient à Annapolis. « Les filles se sont déguisées avec ce qu’il y avait sur le bateau, elles ont pris des sacs de récupération et elles ont passé dans les rues. On était avec des amis d’un autre voilier, on a fait les rues comme les autres, ça c’était vraiment l’fun », raconte Johannie. Émile ajoute: « On est arrivé au bout d’une rue, il y avait un gros party devant une maison. » « On se faisait même offrir du vin et de la bière! », renchérit Johannie.
Si Noël s’est avéré un peu morose, la famille a pu se reprendre une semaine plus tard pour les célébrations du jour de l’An, se souvient Émile. « Pendant qu’on traversait entre la Floride et les Bahamas, j’ai sorti mon ordinateur dans le cockpit et on a regardé le Bye bye en direct par internet. Notre petite tradition du Québec. » Johannie décrit l’ambiance qui régnait alors sur le bateau. « Les filles étaient tellement contentes! C’était comme un bout du Québec. On s’était acheté une couple de cochonneries à manger, puis en pleine nuit on traversait de la Floride aux Bahamas en écoutant le Bye bye en famille! »
Parmi les beaux moments, Émile fait allusion à la première navigation de nuit. « Sur l’océan Atlantique, en partant de Canseau, avec la bioluminescence, c’était écœurant! Le bateau avançait super bien. » Joanie ajouter: « Il y a quelque chose de grand quand on navigue la nuit, on se sent infiniment petit. »
Dans le bilan du voyage que trace Johannie, une chose l’a particulièrement touchée. « C’est la bonté humaine. Chaque fois qu’il arrivait quelque chose, il y avait quelqu’un qui était mis sur notre chemin. » Elle évoque la gentillesse d’une inconnue qui l’a accueillie chez elle après une navigation difficile alors qu’elle cherchait une buanderie. La dame lui a proposé de faire de l’aquarelle avec les enfants pour qu’elle puisse se reposer pendant que le lavage se faisait. « On est resté en contact avec des personnes de cœur. On en a eu beaucoup, c’est la richesse de notre voyage. » Émile se rappelle notamment d’un homme qui a trouvé un médecin pour Johannie, en plein dimanche, en urgence. « Ce voyage-là m’a montré que l’humain est bon. »
Pour voir l’itinéraire que le Parbleu a parcouru: https://parbleu.travelmap.net/