La Carotte joyeuse: y aura-t-il une suite?

NICOLET. Même si la fin du projet de transformation alimentaire La Carotte joyeuse a été annoncée, la volonté de le faire perdurer demeure bien présente au sein de la communauté.

« On  a eu une vague de solidarité assez intense de la part des citoyens. C’est beau à voir », témoigne David Blais, directeur général de la Corporation de développement communautaire (CDC) de Nicolet-Yamaska, l’organisation en charge du projet.

D’ici au 30 avril, La Carotte joyeuse cessera graduellement ses activités. Deux raisons ont forcé le conseil d’administration de la CDC à prendre cette douloureuse décision: le manque de financement (celui du bailleur de fonds principal des trois dernières années n’est pas renouvelable et a pris fin le 31 mars) et l’obligation de relocaliser les activités du projet.

Depuis neuf ans, ce dernier faisait la lutte à la pauvreté et à l’exclusion sociale sur le territoire de la MRC Nicolet-Yamaska par le biais de plateaux de travail en transformation alimentaire et par la distribution des denrées transformées à des organismes en sécurité alimentaire de la région.

Sa mission ne cadre plus à aucun programme de subvention gouvernementale. « On s’est assis avec plusieurs acteurs pour voir des solutions (CIUSSS, MRC, Ville de Nicolet, etc.), mais on se retrouve dans des zones grises [parce que] c’est un projet novateur; il n’y en a pas d’autres comme ça. Il ne répond pas à ce qu’on imagine qu’un organisme devrait répondre. On a fait notre travail. C’est le gouvernement qui doit [maintenant] se poser des questions sur sa méthode de financement. Il faut travailler ça avec nos décideurs », exprime M. Blais.

Tentative de sauvegarde

Claude Francoeur fait partie de ceux qui ont été secoués par la nouvelle. « On ne peut pas laisser partir la Carotte. C’est impossible! », s’exclame cet entrepreneur et cuisinier de Nicolet.

Ce dernier a toujours eu à cœur l’aide alimentaire. Par le biais de son entreprise Les Délices d’Audrey Rainville, du nom de sa conjointe, il mitonne régulièrement des plats qu’il distribue gratuitement à des gens dans le besoin, en plus de cuisiner pour les Popotes roulantes de la région.

Il comprend très bien aussi toute l’importance des plateaux de travail offerts à La Carotte joyeuse: « Étant moi-même autiste, ça me touche particulièrement. C’est un volet aussi important que l’aide alimentaire parce qu’il aide à l’intégration de beaucoup de personnes avec des problèmes de santé mentale ou autres. C’est important! ».

Il a donc refusé de rester les bras croisés devant la situation et s’est demandé s’il pourrait prendre la relève d’une quelconque façon. 

Dans les heures suivant l’annonce de la fermeture du projet, il a contacté la Ville de Nicolet pour savoir s’il serait autorisé à construire une cuisine dans le stationnement appartenant à son commerce, sur la rue Curé-Ferland, au centre-ville de Nicolet. Il a également approché « quelqu’un » pour d’éventuels plans et pour connaître les coûts d’un tel projet. Puis, il a validé les disponibilités potentielles d’un entrepreneur en construction de la région.

Les réponses obtenues l’ont encouragé à poursuivre les démarches. Jeudi dernier (30 mars), il a rencontré le directeur général de la CDC pour lui faire part de son projet. « On veut aider », lui a-t-il mentionné, en lui révélant le sérieux de ses démarches.

La suite

« C’est sûr qu’on accueille à bras ouverts toute initiative qui pourrait sauver [le projet]. S’il y a une solution miracle, le conseil d’administration [de la CDC] va s’en réjouir. Les besoins sont présents », a commenté David Blais au lendemain de la rencontre.

Il ajoute que vers la mi-avril, Claude Francoeur devrait présenter un plan « plus clair » à la CDC. « À la suite de ça, on va analyser la viabilité de la chose. Mais pour l’instant, il n’y a rien de concret encore. Il nous a parlé de sa volonté d’aider et a proposé des choses. »

En attendant, le processus de fermeture enclenché au cours des derniers jours se poursuit. « On ne peut pas se permettre d’attendre à la mi-avril pour commencer à fermer les livres et à vider le local », souligne M. Blais, insistant sur le fait que rien n’indique pour le moment qu’une solution viable et réalisable dans un court délai sera trouvée.

Cette solution, ajoute-t-il, devra par ailleurs garder vivante la mission première de la Carotte joyeuse: « On ne veut pas devenir le sous-traitant d’une entreprise », illustre-t-il, prenant bien soin d’indiquer que « rien ne laisse croire que M. Francoeur souhaite profiter de la situation »: « Son intention est bienveillante. Je pense vraiment que le projet lui tient à cœur et qu’il a une fibre de philanthrope dans l’âme. S’il nous dépose une proposition claire, on va s’asseoir avec le conseil d’administration pour voir ce qu’il est possible de faire ».

Gagnant-gagnant

Selon M. Francoeur, il serait autorisé à construire un bâtiment de 24X30 dans le stationnement de son commerce pour y aménager la cuisine convoitée. Cela pourrait représenter un investissement d’environ 100 000$.

Il souligne avoir de toute façon besoin d’une cuisine, étant donné que son commerce n’est pas équipé pour poursuivre les Popotes roulantes. Pour ce contrat, Les Délices d’Audrey Rainville louait à prix modique la cuisine du Séminaire de Nicolet en échange du service de traiteur pour les prêtres de la résidence depuis un peu plus d’un an, à la suite d’un incendie. « Le contrat [avec le Séminaire] finit le 1er juillet », indique M. Francoeur.

Il projette d’utiliser la cuisine deux jours par semaine pour son entreprise et d’accueillir la Carotte joyeuse (ou tout projet / organisme sans but lucratif similaire) les cinq autres jours. Dans son scénario, les deux employés de la Carotte joyeuse conserveraient leur emploi. « C’est très, très sérieux, comme projet », termine-t-il.

Il reste maintenant à voir s’il sera possible de le concrétiser.