Année en culture: les grands départs, quelques controverses et conflits dans le monde
MONTRÉAL — L’année 2022 a vu de grands noms passer le flambeau dans le milieu culturel, et les galas passer dans le tordeur.
Si l’on en croit le retrait du gala Artis et l’annonce, décriée par plusieurs, de l’abandon de la diffusion du gala Québec cinéma, ces rendez-vous télévisuels seraient une espèce en voie de disparition.
En juin, le réseau TVA a indiqué laisser tomber le gala Artis, une cérémonie qui a porté pendant un long moment le nom de gala MetroStar et qui remettait depuis 36 ans des prix du public en télévision. Le réseau estimait alors qu’à l’ère où «le monde des médias et de la télévision évolue sans cesse (…), ce qui était un gage de succès autrefois n’est plus toujours aussi pertinent aujourd’hui».
À la fin octobre, Radio-Canada a annoncé qu’il ne diffuserait plus sur ICI Télé le gala Québec Cinéma, qui était présenté par le diffuseur public depuis 2003, disant en être venu «à la conclusion que d’autres stratégies peuvent nous permettre d’accroître plus efficacement la visibilité des films et des artistes du cinéma d’ici».
Dans un souci de renouveau, l’Académie des Gémeaux a par ailleurs annoncé que ses catégories d’interprétation seraient désormais non genrées. Fini, donc, le temps où un interprète masculin et une interprète féminine remportaient chacun un prix pour une catégorie donnée. La mesure permettra la réduction de l’imposant nombre de catégories, qui passeront de 139 à 88 l’an prochain.
Autre rare rendez-vous télévisuel en direct à l’ère du «streaming», le bulletin de nouvelles de 17h00 a vu une légende de l’information — un lauréat de 23 trophées Artis — tirer sa révérence à TVA.
Après 46 ans comme chef d’antenne, Pierre Bruneau a annoncé en ondes au printemps qu’il prenait sa retraite en 2022, disant être prêt à vivre une retraite mûrement réfléchie auprès de ses proches. Dans la continuité, il a passé le flambeau à une personnalité déjà bien connue, Sophie Thibault — qui pilotait le bulletin de 22h00 depuis une vingtaine d’années — non sans revenir pour la dernière campagne électorale provinciale, notamment à l’animation du débat des chefs.
Tirant aussi le rideau en mai dernier, son collègue Denis Lévesque a fermé les lumières du studio de son émission éponyme d’un claquement de doigts, effectuant son geste signature pour la dernière fois. Celui qui recevait souvent sur son plateau des invités que l’on ne voyait nulle part ailleurs a fait sa marque dans le paysage télévisuel québécois.
Tout en mettant fin à son émission après 16 ans de présence quotidienne à TVA et LCN, Denis Lévesque poursuivra sa route avec de grandes entrevues à un rythme moins effréné.
D’autres départs ont marqué l’année en télévision, comme celui de la journaliste et animatrice de Radio-Canada Marie-José Turcotte, pionnière de la couverture sportive, qui a choisi de conclure sa carrière à l’antenne avec l’animation des Jeux olympiques et paralympiques d’hiver de Beijing 2022.
Autre femme à la feuille de route remarquable, Chantal Machabée a quitté son poste de journaliste sportive au Réseau des sports (RDS) afin d’accepter le rôle de vice-présidente communications du Canadien de Montréal.
Dans ce portrait des grands départs non exhaustif, il faut souligner celui de Laurent Saulnier à la tête de la programmation des Francos de Montréal et du Festival international de jazz de Montréal (FIJM), qui «passe à autre chose (…) après 23 ans de loyaux services, de dur labeur et de gros plaisir», selon ses propres mots. Il demeure conseiller stratégique à la programmation.
Gestionnaire à Spectra depuis 2013, Maurin Auxéméry dirige l’équipe de la programmation à la suite du départ de Laurent Saulnier.
Figure centrale de la diffusion du cinéma québécois, Mario Fortin se retire de la direction générale du cinéma Beaubien à Montréal, dont il tenait les rênes depuis 2001. En fait, il était aussi à la tête du cinéma du Parc, depuis 2013, et de la nouvelle salle de cinéma du Musée des beaux-arts de Montréal depuis 2018.
Mario Fortin passe le relais de la direction de ces trois salles à Roxanne Sayegh, qui a dirigé les Rencontres internationales du documentaire de Montréal (de 2010 à 2014) et puis cofondé le Cinéma Moderne et le Cinéma public dans la métropole.
En poste à la radio le matin depuis plus de 30 ans, Paul Arcand a révélé en ondes en juin qu’il quitterait la barre de l’émission matinale de Cogeco, au 98.5, dans deux ans. Gino Chouinard a également annoncé qu’il quitterait l’animation de «Salut Bonjour»… en juin 2024.
Fidèle au poste… de police durant six saisons et 720 épisodes, la série «District 31» de Luc Dionne a aussi tiré sa révérence en 2022, côté fiction télévisuelle. Elle a en quelque sorte passé le flambeau dans la même case horaire à «STAT», série dans le milieu hospitalier qui compte à l’affiche certains acteurs qui avaient marqué la série policière, comme Patrick Labbé (Laurent Cloutier), Geneviève Schmidt (Nancy Riopelle) et Virginie Ranger-Beauregard (Stéphanie Malo).
L’humoriste Jay Du Temple, très peu connu, donc choix improbable à l’époque en 2017 pour prendre la barre d’«Occupation double», en est devenu la locomotive avec son style flamboyant et taquin. Il a annoncé cet automne qu’il quittait l’animation de l’émission de téléréalité de Noovo, assurant que sa décision n’était pas liée à la controverse autour de gestes d’intimidation ayant mené à l’expulsion de trois concurrents en octobre.
Quelques controverses
La production de «OD Martinique» a été mise dans l’embarras, et a perdu l’appui de plusieurs commanditaires, à la suite de la révélation de gestes d’intimidation de la part de concurrents.
De par sa nature, la téléréalité de séduction en est une de stratégies pour former des alliances et exclure des rivaux. Mais après les critiques de fans de l’émission à propos de l’acharnement de certains participants à l’endroit d’un candidat et quelques articles dans les médias, la production a annoncé le retrait de ces participants «directement associés à l’intimidation».
Les galas ont encore offert de beaux moments, comme ce doublé acadien de prestations de Lisa LeBlanc et Édith Butler à l’ADISQ, mais ont aussi attiré l’attention pour certaines situations malaisantes.
C’est certainement le cas du discours échevelé de Guillaume Lemay-Thivierge, ayant interrompu l’animatrice des Gémeaux Véronique Cloutier qui s’apprêtait à présenter un segment sur les documentaires, pour régler des comptes quand aux railleries sur son choix d’attendre le vaccin de Medicago avant de se faire vacciner contre la COVID-19.
Lors de la télédiffusion des Oscars aux États-Unis, le comédien Will Smith est monté sur scène pour gifler le maître de cérémonie Chris Rock après que ce dernier eut fait un commentaire sur la coiffure de Jada Pinkett Smith, la femme de Will Smith.
En janvier dernier, c’est sur le front de la désinformation que le monument de la culture québécoise Gilles Vigneault s’en prenait aux plateformes numériques. L’auteur-compositeur-interprète a annoncé qu’il retirait son catalogue musical de la boutique numérique Spotify, disant ainsi suivre la voie d’un autre artiste, Neil Young, dans le «rejet de faussetés avérées dangereuses professées par des théoriciens du populisme galopant».
Neil Young avait été le premier à se retirer de la plateforme, lui reprochant plus spécifiquement de porter la balado de l’animateur de radio Joe Rogan. Ce dernier exprimait ouvertement son scepticisme face au vaccin contre la COVID-19 et aux mesures sanitaires visant à contrer la propagation du virus.
Guerre en Ukraine, climat et autres enjeux à l’international
L’appel à l’urgence d’agir contre le réchauffement de la planète s’est joué sur un autre tableau en 2022: celui des toiles de grands maîtres dans des musées aspergées par des militants à la rencontre de l’art et de l’activisme.
Si des actions du groupe Just Stop Oil contre l’extraction de combustibles fossiles remontent à juillet dernier, le mouvement a pris de l’ampleur surtout cet automne, les épisodes se multipliant un peu partout dans le monde.
Ces premières actions à l’endroit de «La Cène», de Léonard de Vinci, à la Royal Academy of Arts de Londres et de «La Charette de foin», de John Constable, à la National Gallery, sont survenues alors que le gouvernement britannique ouvrait un nouveau cycle de permis pour l’exploration pétrolière et gazière en mer du Nord. D’autres gouvernements ont été pris à partie à leur tour pour leurs gestes jugés contraires à la lutte au réchauffement de la planète.
Soupe aux tomates, sirop d’érable, patates en purée: les coups d’éclat dans les musées ont rivalisé d’imagination, et les toiles n’ont généralement pas été endommagées.
Les points sur la carte du monde se sont multipliés: «Les Tournesols», de Vincent van Gogh, à la National Gallery de Londres; la toile «Stumps and sky» d’Emily Carr à la Galerie d’art de Vancouver; «Les Meules» de Claude Monet au musée Barberini de Potsdam, en Allemagne; «La Maja nue» et «La Maja vêtue» de Francisco Goya au musée du Prado à Madrid; et «Campbell’s Soup» d’Andy Warhol à la Galerie nationale d’Australie à Canberra.
Avec la guerre lancée par la Russie en Ukraine, les sanctions ont rapidement touché en début d’année des artistes d’origine russe un peu partout dans le monde.
Le 8 mars, l’Orchestre symphonique de Montréal annonçait le retrait du pianiste russe Alexander Malofeev de sa programmation, en raison des «graves répercussions sur la population civile de l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe».
Quelques jours plus tôt, on avait appris que le Québécois Yannick Nézet-Séguin remplacerait Valery Gergiev, un chef d’orchestre proche du président russe Vladimir Poutine, dans une tournée américaine de cinq concerts de l’Orchestre philharmonique de Vienne.
Le 31 mars, le ministre du Patrimoine, Pablo Rodriguez, demandait aux organismes artistiques qui recevaient un financement fédéral de suspendre toutes leurs activités culturelles impliquant des Russes liés au régime du président Vladimir Poutine.
La répression par le régime des mollahs en Iran a aussi eu des échos dans le monde culturel, avec des gestes de solidarité pour Mahsa Amini, une jeune femme de 22 ans morte alors qu’elle était détenue par la police des moeurs pour avoir porté le voile de manière inappropriée.
Des actrices françaises, comme Isabelle Huppert, Marion Cotillard et Isabelle Adjani, se sont coupé des mèches en solidarité avec la lutte des femmes iraniennes.
Il y a aussi eu l’écrivain britannique Salman Rushdie, dont les écrits lui ont valu des menaces de mort de la part de l’Iran dans les années 1980, qui a été agressé alors qu’il s’apprêtait à donner une conférence, dans l’ouest de l’État de New York.
Le cinéaste et opposant politique Jafar Panahi a été mis en détention en juillet, peu après l’arrestation de deux autres réalisateurs accusés de «troubles à l’ordre public». M. Panahi, l’un des cinéastes iraniens les plus primés, avait été arrêté en 2010, puis condamné à six ans de prison et à 20 ans d’interdiction de réaliser des films.
En terminant, il est impossible de passer sous silence la triste annonce de Céline Dion à ses admirateurs. La chanteuse québécoise a confié en décembre être atteinte d’une maladie neurologique rare, le syndrome de la personne raide, ou syndrome de Moersch-Woltman.
Dans une vidéo transmise sur les réseaux sociaux, Céline Dion a signalé que cette maladie est la cause des spasmes musculaires qui la terrassent depuis un bon moment. Elle a aussi dit qu’elle sera incapable de reprendre sa tournée au mois de février prochain, en Europe.
En janvier 2022, Céline Dion avait dû renoncer à offrir des spectacles en Amérique du Nord, alors qu’elle était soignée pour des «spasmes musculaires graves et persistants». Les mêmes problèmes de santé l’avaient également empêchée de se produire à Las Vegas en octobre 2021.